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Une nouvelle série de projets PEDID à la mi-avril

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Le canon automoteur 8x8 CAESAR de Nexter (Crédit : Nexter Systems)

Le canon automoteur 8×8 CAESAR de Nexter (Crédit : Nexter Systems)


 
La Commission européenne s’apprête à lancer une nouvelle série de 24 projets de R&D à destination de l’industrie de la défense. Si les montants promis s’affermissent, ils seront financés à hauteur de 254M€ par le Programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense (PEDID).
 
Coup d’envoi, en théorie, le 15 avril. À partir de cette date, les groupements industriels seront invités à soumettre leur proposition en vue de l’octroi d’un financement européen. Pour être éligible, tout groupement industriel doit nécessairement rassembler un minimum de trois entreprises issues d’au moins deux pays différents. Doté d’un budget global de 497M€ pour la période 2019-2020, le PEDID devrait céder le flambeau dès l’an prochain à un Fonds européen de défense (FEDef) dont la question du financement n’est toujours pas clarifiée.
 
Seul « hic », la part de contrats directs, donc octroyés sans mise en concurrence, plafonne cette année à 90M€. C’est tout simplement le double de l’exercice précédent. Potentiellement compromis, le projet européen MALE RPAS devrait à lui seul en capter les trois quarts pour un maximum de 76M€. Le solde restant reviendra au programme de radio logicielle ESSOR mené au nom de l’OCCAR par le consortium a4ESSOR. Ne subsistent in fine que 150M€ pour alimenter une vingtaine de programmes pourtant essentiels.
 
La date butoir de remise des offres pour cette seconde promotion est fixée au 1er décembre, soit un délai rallongé de deux mois par rapport à la session 2019. Il s’agit sans doute de laisser une marge supplémentaire à un secteur fortement impacté par la pandémie de Covid-19. Des 24 projets annoncés, nombreux sont ceux pour lesquels les industriels français du secteur terrestre auront certainement une carte à jouer. Exemples.
 

  • Modernisation et développement d’hélicoptères de combat de nouvelle génération

Bien qu’alléchant, l’intitulé cache en réalité le développement d’une brique (e-MUM-T) qui posera les bases de la collaboration opérationnelle entre drones aériens et hélicoptères de combat. Interopérabilité, indépendance, agilité face au panel de missions et robustesse face aux environnements fortement contestés en sont quelques-uns des aspects fondamentaux.
 
Le système e-MUM-T devra réduire la charge de l’équipage en l’autorisant à confier une partie de ses tâches à un ou plusieurs drones. Elle sera accompagnée du développement d’un protocole standard européen. Selon l’annonce, un sytème e-MUM-T comprendra un système de planification de missions, une station de contrôle pour les vols en environnement permissif, une interface homme-machine légère et compacte, ainsi que les vecteurs d’intégration (hélicoptère et drone(s)). L’architecture ouverte et modulaire du système favorisera l’ajout de nouvelles fonctionnalités et son intégration sur des plateformes existantes. Airbus et le missilier européen MBDA, entre autres, planchent d’ores et déjà sur le sujet au travers d’un contrat d’étude pour les futurs « remote carriers » du programme SCAF.
 
Toujours dans la veine des voilures tournantes, le PEDID invitent aussi à réfléchir à la survavibilité des hélicoptères, une problématique malheureusement récurrente en France. Des fonds seront débloqués pour la constitution d’une suite défensive englobant aussi bien des récepteurs d’alerte missile, laser et radar, que des contre-mesures infrarouges. Des « solutions de protection active peuvent aussi être envisagées, » souligne la Commission européenne. Le coeur du dispositif comprendra des fonctionnalités de perception de la situation, de détection, de classification et de détection des menaces, et d’activation des contre-mesures avec ou sans décision préalable de l’équipage. Parmi les industriels attendus, mentionnons le groupe Lacroix, spécialiste de la pyrotechnie à l’origine du premier système d’autodéfense automatique « soft-kill » développé en France. Le système e-MUM-T et la question de la survivabilité font partie d’un pool « Air combat capabilities » doté d’une enveloppe globale de 22M€ pour l’année 2020.
 

Une solution anti-drones mobile proposée par le Français CerbAir (Crédit : CerbAir)

Une solution anti-drones mobile proposée par le Français CerbAir (Crédit : CerbAir)


 

  • Systèmes anti-drones (C-UAS)

« Les petits drones, y compris les modèles bon marché acquis sur étagère et les composants faciles à assembler, sont largement disponibles et leur popularité ne cesse de croître, » constate la Commission européenne. Celle-ci envisage de débloquer 13,5M€ pour la conception de systèmes C-UAS capables de contrer des drones de classe 1 (de 2 à 150 kg) et, facultativement, de classe 2 (de 150 à 600 kg). De fait, et contrairement à la première génération de drones, ceux-ci sont désormais particulièrement difficiles à traquer au moyen des systèmes de surveillance traditionnels en raison de vitesses et d’altitudes d’évolution moindres, de signatures acoustique et thermique réduites et de capacités embarquées renforcées (vision de nuit, navigation automatique, etc.).
 
Deux applications sont spécifiquement mises en avant. La première concerne la protection d’infrastructures critiques et de bases opérationnelles avancées 24/7 et de jour comme de nuit. La seconde, plus légère et mobile, implique une variante « pop up » centrée sur des scénarios tactiques et lors d’évènements civils. Celle-ci exigera une empreinte logistique minimale, l’intégration rapide de senseurs et d’effecteurs supplémentaires et une architecture ouverte. Enfin, en raison de la menace grandissante des essaims de drones, « les systèmes C-UAS se doivent d’être évolutifs pour s’adapter au niveau de menace rencontré et offrir une réponse appropriée, » stipule la Commission européenne.
 
Une fois encore, la BITD française dispose de quelques pépites suffisamment matures pour tenter l’aventure. CerBair, par exemple, dispose d’un portfolio de solutions fixes, mobiles et portables. Créée en 2015, la société a depuis levé près de 7M€ auprès d’investisseurs de renom, à commencer par MBDA.
 

  • Modernisation des plateformes blindées

À l’instar de l’e-MUM-T mentionné plus haut, ce projet vise moins à créer un véhicule d’une feuille blanche qu’à proposer de nouvelles briques susceptibles d’être implémentées dans les flottes existantes. L’objectif est double : améliorer les performances à pratiquement tous les niveaux et garantir l’interopérabilité avec les prochaines générations de plateformes et les futurs systèmes automatisés. Le champ d’étude recouvre la totalité des blindés à roues et à chenilles actuels, du véhicule tactique léger au char de combat. La Commission européenne y allouera un budget indicatif de 9M€.
 
Le choix des améliorations reste à discrétion des industriels. Ceux-ci sont néanmoins tenus de respecter une approche par « système de systèmes », au sein duquel les technologies proposées interagissent sur base d’une architecture ouverte. Le volet cybersécurité sera en conséquence un autre enjeu majeure, au même titre que l’optimisation de l’empreinte logistique.
 
La solution avancée devra être capable de réaliser plusieurs tâches, présenter un niveau optimal de modularité et offrir un cycle de vie opérationnel de minimum 30 ans à moindre coût. Le tout, sans impacter ni la charge utile de la plateforme, ni sa furtivité.
 
La concurrence sera rude au vu du nombre d’acteurs présents dans ce segment. Selon une étude commandée par l’Agence européenne de défense (AED) et publiée l’an dernier, le marché européen est aujourd’hui en surcapacité dans ce domaine avec près de 18 producteurs majeurs de plateformes blindées. L’heure est donc à la consolidation, ce qu’ont compris Nexter et KMW en se regroupant dès 2015 sous la bannière KNDS. Ceux-ci pourront faire prévaloir une expérience acquise de longue date dans l’intégration des véhicules blindés. Arquus pourra pour sa part mettre en avant le savoir-faire acquis sur les questions d’hybridation de la motorisation et de gestion de l’énergie.
 

  • Appui-feu et munitions guidées

Pour finir avec ces quelques exemples, la Commission européenne pose la question de l’avenir de l’appui-feu au travers de deux programmes financés conjointement à hauteur de 7M€.
 
Le premier vise l’émergence d’une « artillerie européenne améliorée grâce à la modernisation et le développement de systèmes d’artillerie à tir indirect ». Au vu de la complexité du sujet, « les exigences précises seront définies avec les États membres participants au cours de la phase d’étude, » annonce l’appel à projets. Pour autant, ce dernier dresse d’ores et déjà les contours capacitaires des systèmes d’artillerie de demain. À savoir, une portée minimale de 60 km pour les canons automoteurs et de 200 km pour les lance-roquettes multiples, la capacité de tirer des munitions conventionnelles, guidées et programmables, et l’interopérabilité avec les armées européennes et de l’OTAN. La Commission européenne enjoint par ailleurs les industriels de réduire la charge des artilleurs en privilégiant un haut degré d’automatisation, tant pour les calculs balistiques qu’au niveau du système de chargement des munitions. Les futures pièces d’artillerie devront adopter une architecture modulaire afin « de faciliter l’adaptation à de nouveaux effecteurs pour les frappes de précision ».
 
Difficile, à l’aune de ces quelques éléments, de ne pas songer au projet franco-allemand de Common Indirect Fire System (CIFS), qui devrait voir Nexter et KMW oeuvrer ensemble au remplacement des canons automoteurs PzH 2000 et CAESAR à l’horizon 2035-2040. Maintenu pour l’instant dans l’ombre du programme MGCS, ce projet favoriserait lui aussi l’idée d’un système de systèmes interconnectés couvrant tout le spectre de l’appui-feu. La filiale allemande de MBDA travaille quant à elle à l’élaboration d’un nouveau missile à très longue portée adapté aux lance-roquettes multiples.
 
Pour accompagner l’appui-feu dans son évolution, la Commission européenne souhaite également « ouvrir la voie à une solution européenne souveraine de munitions d’artillerie de 155 mm/calibre 52 à très longue portée, de haute précision et dotée de charges améliorées ». Trois mots d’ordre : une précision maximale avec un écart circulaire probable (ECP) inférieur à 10 mètres grâce au guidage par laser semi-actif ou par imagerie infrarouge, une portée minimale de 60 km et de 80 km dans l’idéal, et une résistance au brouillage GNSS en environnement contraint.
 
Ces munitions devront en outre respecter les principes édictés par le Joint Ballistic Memorandum of Understanding (JBMoU), document fixant les standards de l’artillerie de 155 mm/calibre 52 au sein des armées de l’OTAN. Finalement, les munitions devront être compatibles avec les plateformes d’artillerie actuellement en service au sein des armées européennes et de l’OTAN. Là encore, Nexter est l’un des rares industriels à avoir progressé sur la question avec l’obus Katana dévoilé en 2018 et la munition BONUS développée avec BAE Systems.

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