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Safran étoffe son portfolio avec la jumelle de vision nocturne E-Nyx

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La JVN E-Nyx, candidate parmi d'autres pour le marché BINYX de la DGA (Crédits: Safran)

La JVN E-Nyx, candidate parmi d’autres pour le marché BINYX de la DGA (Crédits : Safran)

 

C’est l’histoire d’un rétropédalage réussi. Celui de Safran qui, après s’être lié au bon partenaire, est parvenu en moins de trois ans à se repositionner durablement dans le segment des jumelles de vision nocturne (JVN) grâce à une solution innovante, l’E-NYX. Quelques succès à l’export plus tard, le groupe s’attaque désormais au client français, engagé dans le renouvellement complet de son parc de JVN.

 

Rapprochement franco-grec avant l’heure

 

Voici plus de 30 ans que Safran développe et intègre des solutions d’intensification de lumière. Le groupe français avait néanmoins fait le choix il y a quinze ans de « miser sur les technologies numériques, notamment avec la lunette FIL du système FELIN. Il s’est avéré que les performances du numérique n’ont pas encore surpassé les performances des tubes analogiques, qui présentent d’autres avantages en terme d’autonomie », nous explique l’industriel. La question s’est donc posée d’un retour plus affirmé vers les tubes intensificateurs de lumière « classiques ». Après être s’être fait la main sur les équipements portables de types « Enhanced Clip-On Thermal Imager » (E-COTI) et « Enhanced Clip-On SWIR Imager » (E-COSI), développés avec la filiale Safran Optics 1, il est apparu que « le développement d’une JVN en propre était devenu évident », ajoute Safran.

 

Futé, Safran a su éviter le syndrome de la feuille blanche en se rapprochant en 2017 du grec Theon Sensors, spécialiste mondial des JVN et premier fabricant européen. Avec pour avantage d’avoir gagné un temps précieux et de se retrouver en pole position lorsque les opportunités ont commencé à surgir tant en Europe que de l’autre côté de l’Atlantique. Pari gagnant pour le duo, qui remporte un marché important avec la Suisse en décembre 2019 pour le remplacement de la totalité de son optronique portable, dont un poste pour les JVN ». Un succès rapidement répété avec le Pentagone, dont l’US Marine Corps a commandé 14 000 paires de JVN Nyx de Theon Sensors auxquelles Safran vient intégrer son système clip-on. Purement industriel à l’origine, ce partenariat devait ensuite naturellement se densifier avec « le développement conjoint d’un produit en rupture ». De cette stratégie découle une version « enhanced » de la jumelle Nyx, ou E-NYX. Celle-ci a d’ores et déjà trouvé sa clientèle parmi deux pays de l’OTAN de la Task Force Takuba, unité de forces spéciales européennes opérationnelle depuis mi-juillet au Sahel.

 

Un produit en rupture

 

La grande force d’E-NYX est d’avoir su réunir le motto de la division optronique de Safran, « size, weight and power », et le socle solide et mature que représente la JVN Nyx de Theon Sensors, vendue à plus de 60 000 exemplaires. Autrement dit, la recherche d’une diminution du poids, de l’encombrement et de la consommation mais en privilégiant un maintien, voire une augmentation des capacités. Produite à Poitiers, la JVN E-NYX offre dès lors un champ de vision de 47° pour une masse totale de moins de 500 grammes. Soit un gain de surface observée de 40% par rapport à la concurrence pour un poids inférieur de 20% à la moyenne du marché. « Pour autant, nous ne sommes pas moins performants en matière de détection. Nous bénéficions de l’amélioration des performances au niveau des tubes, ce qui nous permet de proposer un produit plus compact car, plus le champ est grand et plus l’optique est petite donc plus légère ». Cet élargissement de quelques degrés peut paraître anecdotique, mais « en intérieur, dans une pièce, cela peut éviter à l’opérateur de devoir tourner la tête pour balayer le champ et lui faire gagner une à deux secondes pour une meilleur réactivité ». Mieux situé, le centre de gravité de l’E-NYX, couplé à son champ de vision élargi, résulte en une diminution globale de l’effort fourni par l’utilisateur au niveau de la nuque.

 

Safran et Theon ont par ailleurs retravaillé l’intégration de l’ensemble des sous-éléments. « L’alimentation, par exemple, repose sur un boitier commun permettant d’alimenter à la fois les JVN et les E-COSI et E-COTI. Cela permet de gagner sensiblement en masse ». Composée d’un unique pack de six piles lithium CR123, l’alimentation du système assure jusqu’à 25 heures d’autonomie et fait office de contre-poids à l’arrière du casque. E-NYX se veut également agnostique en terme de tube d’intensification. Hormis une adaptation aux desiderata des marchés, cette caractéristique facilite une refonte avec les futures générations de tubes sans devoir remplacer l’entièreté du système.

 

La JVN E-Nyx accompagnée de son pack pile et du clip-on ECOTI (Crédits : Safran)

La JVN E-Nyx accompagnée de son pack pile et du clip-on ECOTI (Crédits : Safran)

 

« Nous avons effectué tout un travail autour de l’écosystème du produit pour qu’il puisse communiquer de l’information dans son entourage », souligne Safran. Dans les faits, cela se traduit par l’intégration d’une puce RFID qui va récolter et transmettre des données relatives à l’état de santé du produit. Des données sensibles partagées par un émetteur sans fil et à courte distance pour éviter de trop rayonner. Cette technologie RFID a autant un intérêt opérationnel qu’au niveau de la maintenance, car permet de monitorer le système à distance et de prédire une éventuelle intervention technique. Safran y ajoute ses modules E-COSI/E-COTI compatibles avec tous types de JVN. Ces clips-on autorisent la superposition d’une imagerie thermique dans la JVN, améliorant notablement ses capacités de décamouflage. Le second avantage relève de la possibilité d’incruster des informations en provenance d’un outil de type Système d’information du combat Scorpion et transitant par les E-COSI et E-COTI. À l’instar des viseurs tête haute (HUD) des pilotes d’aéronefs, cette incrustation comprend le positionnement GPS, la route à suivre, ou encore le Blue Force Tracking.

 

Et Safran conserve quelques idées dans ses cartons pour ouvrir le champ à d’autres cas d’usage très concrets. « Nous pourrions, par exemple, incruster les constantes vitales d’un blessé en cours d’évacuation pour éviter au médecin d’avoir à se retourner pour devoir monitorer son patient ». Dans un horizon plus lointain surviendra la possibilité d’intégrer ces nouvelles fonctionnalités directement dans le produit avec des JVN ‘fusion’ dotée d’un capteur infrarouge, avec un gain de poids et de volume à la clef. Ces réflexions englobent un éventuel élargissement du champ de vision jusqu’à 50 ou 60°, évolution en partie dépendante de l’évolution des tubes et « sans pour autant basculer vers des solutions quadri-tubes car beaucoup plus onéreuses et plus lourdes ». « Ce sont des choses qui commencement seulement à apparaître du côté des utilisateurs chevronnés, de type forces spéciales. On sent que, de leur point de vue, les modèles actuels ne suffiront peut-être plus d’ici cinq à dix ans ».

 

(Crédit s: Safran)

(Crédit s: Safran)

 

Le marché BINYX « dans le tube »

 

Pour Safran, l’objectif à moyen terme reste le marché national. L’E-NYX est ainsi en compétition depuis cet été pour le marché BINYX de la DGA, pour lequel une décision est attendue d’ici quelques semaines. Ce programme majeur comprend la livraison de jusqu’à 10 000 lunettes principalement destinées aux pilotes de véhicules de l’armée de Terre. « Ce sont donc des systèmes bi-tubes, contrairement au marché cousin O-NYX attribué à Thales ». Le bi-tube permet en effet de disposer de la vision stéréoscopique essentielle au pilotage d’engin. BINYX et O-Nyx sont deux étapes d’un processus complet de renouvellement du parc des armées françaises, qui comprendrait une centaine de millier de JVN. D’autres étapes sont à venir, dont probablement le remplacement des systèmes intégrés au FELIN pour des raisons de connectivité, puis, sans doute un peu plus tard, ceux des forces spéciales pour des cas d’emploi plus spécifique ». « Nous sentons chez Safran qu’un mouvement global a été initié avec une modernisation des équipements de tête des armées françaises ».

 

Le marché DGA, comme pour tout marché national, contient des spécificités propres à la France, dont l’obligation de proposer une solution parfaitement « ITAR free ». « Nous proposons ensuite une JVN légèrement modifiée par rapport à la version catalogue, notamment au niveau de la couleur du produit, des capacités et fonctions de la puce RFID et des capacités optiques de la JVN et des tubes intensificateurs utilisés. On s’oriente dans ce cas-ci vers du ‘haut de gamme’ ».

 

L’E-NYX se trouve pour l’instant en phase de « ramp up », matérialisée par la production de quelques dizaines d’exemplaires. L’accélération sera directement liée à la notification d’éventuels autres marchés. « Il y aura probablement des choses à faire en Europe en terme d’optroniques portables ». Les pays scandinaves sont en train de se rééquiper. L’Allemagne, ensuite, poursuit une logique de renouvellement proche de celle appliquée en France, avec des marchés successifs visant un parc et un utilisateur particuliers. Que ce soit pour le client français ou pour l’export, les volumes qui en découleront impliquent une capacité industrielle forte. Avec les chaines de production en France (Poitiers), en Suisse, où Safran a établi une ligne d’assemblage pour pouvoir répondre au besoin de l’armée suisse, et celles de son partenaire grec, Safran sera en mesure de faire face au volume de production qu’il entend capter Réponse, en ce qui concerne la France, d’ici quelques semaines.

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