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Delair fera voler un drone à l’hydrogène dès cet été

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D'ici quelques semaines, un drone DT26 mû à l'hydrogène réalisera ses premiers essais en vol (Crédits: Delair)

D’ici quelques semaines, un drone DT26 mû à l’hydrogène réalisera ses premiers essais en vol (Crédits: Delair)


 
Faire voler un drone grâce à une pile à combustible à hydrogène, beaucoup l’envisagent mais très peu y parviennent. Le Toulousain Delair s’apprête quant à lui à transformer l’essai sur base d’un drone DT26 modifié en partenariat avec la startup Ergosup. Malgré la crise sanitaire, le processus réglementaire a pu être mené à bien avec la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) en vue d’un premier vol dans le courant de l’été.
 
Agréger plusieurs briques existantes
 
Lancé en septembre 2018, ce projet baptisé HyDrone bénéficie d’un financement de 300 000€ octroyé dans le cadre du dispositif RAPID de la DGA. L’objectif était alors de « défricher un sujet dans lequel des briques existaient mais n’avaient jamais été réunies au sein d’une trajectoire commune », nous explique Bastien Mancini, COO de Delair. Par « briques existantes », il faut comprendre un concept de drone électrique fonctionnant à l’hydrogène et une mini-station de remplissage d’hydrogène directement à haute pression et aisément transportable.
 
Qui mieux que Delair pour fournir le vecteur essentiel à ce programme ? Avec quelques milliers de plateformes vendues en neuf ans d’activité, cette PME dispose d’un savoir-faire rare et d’une position centrale dans un segment en plein consolidation. Les soixante employés de la business line « drones » livrent aujourd’hui leurs produits et services aux quatre coins du globe, de la Garde nationale du Niger à l’OSCE et à la police croate, sans oublier les forces spéciales françaises déployées au Sahel.
 
Pour autant, cette transition vers nouveau mode d’alimentation n’aura pas été sans écueils techniques. Contrairement à une batterie électrique, la pile à combustible délivre une puissance continue qui ne permet pas de générer les pics de consommation provoqués, par exemple, lors du décollage ou en cas de rafale de vent. Les équipes de Delair ont dès lors dû plancher sur un système complémentaire de gestion de l’énergie. Celui-ci comprend une batterie Li-Po conçue pour répondre aux pics de consommation tout en interagissant de manière neutre avec la pile. Un dispositif novateur mais complexe, et dont la mise au point aura nécessité plusieurs aller-retours entre partenaires au cours du projet. « Nous avons testé plusieurs piles avant de trouver la bonne combinaison », indique Bastien Mancini.
 
Les conditions et le plafond d’emport, ensuite, ont engendré quelques adaptations mécaniques car la pile à combustible nécessite un environnement thermique stable et s’avère 20% plus lourde que les dispositifs utilisés auparavant. « Malgré la petite quantité d’hydrogène emportée, les bouteilles conservent un poids non négligeable ajoutant un coût fixe en masse qui serait plus facilement absorbé pour des systèmes plus grands », précise Delair.
 
De son côté, Ergosup apporte une station de production d’hydrogène plus compacte par rapport aux autres modèles disponibles sur le marché. La startup drômoise a en effet développé « un procédé innovant qui permet de générer de l’hydrogène immédiatement sous haute pression », détaille Bastien Mancini. Grâce à son procédé d’électrolyse découplé, Ergosup réunit donc au sein d’un unique station les fonctions complémentaires de production, de stockage, de compression et de restitution d’énergie.
 
Delair et Ergosup ont par ailleurs choisi de s’appuyer sur trois prestataires. La société albigeoise Eveer’Hy’Pôle aura veillé aux modalités d’usage de l’hydrogène et à l’hébergement de la mini-station de production. Elle offre également un accès à son aérodrome pour réaliser les essais en vol. Le Britannique Intelligent Energy a fourni la pile à hydrogène ultra-léger tandis qu’Ad-Venta (Drôme), spécialiste des systèmes de stockage d’hydrogène embarqués, amenait les connexions entre la mini-station, le cylindre d’hydrogène et le drone.
 
Des avantages multiples
 
Pour les partenaires du projet HyDrone, l’enjeu n’est donc pas tant de décarboner le drone, qui fonctionne déjà avec des batteries, mais bien d’en améliorer l’autonomie et d’en faciliter l’emploi tout en conservant un haut degré de discrétion. À titre d’exemple, un drone multirotors équipé d’une pile à hydrogène délivrant 800 W est parvenu l’an dernier à rester en vol durant plus de 12 heures. Les performances exactes restent confidentielles, mais Delair confirme travailler à une échelle de « quelques centaines de watts ». De quoi offrir une élongation de « plusieurs centaines de kilomètres » et multiplier par « deux ou trois » l’autonomie du drone DT-26, aujourd’hui d’environ 2h30. « Il faudra attende les premiers vols pour pouvoir caractériser plus précisément ces données ».
 
Autre avantage par rapport à une batterie classique, l’hydrogène n’implique pas de recharge potentiellement chronophage. Il suffit de connecter un cylindre plein au drone, une manoeuvre réalisée en quelques secondes mais synonyme de précautions supplémentaires. « Encore faut-il savoir comment changer une bouteille sans faire d’erreur. L’apport d’Eveer’Hy’Pôle aura été déterminant à ce sujet », remarque-t-on chez Delair. En répondant aux besoins d’approvisionnement avec une mini-station de recharge nomade, Ergosup assure par ailleurs une production simplifiée d’hydrogène sur site à partir d’eau et d’électricité, limitant au passage l’empreinte logistique du système.
 
Vers la commercialisation ?
 
Le financement RAPID arrivant à terme cette année, le droniste explore désormais plusieurs pistes pour exploiter les connaissances acquises durant 24 mois. Lorsqu’elle aura atteint un degré de maturité suffisant pour passer à l’industrialisation, la propulsion par hydrogène devrait ouvrir une nouvelle fenêtre d’opportunités sur un marché export qui représente aujourd’hui 75% du chiffre d’affaires de Delair. Avec une contrainte de taille, conséquence du succès des drones Delair: en cas d’adoption de l’hydrogène par la clientèle, il faudra assurer l’approvisionnement et le soutien d’une technologie partout dans le monde. Pour appuyer sa stratégie d’expansion, Delair pourra compter sur un réseau mondial constitué de huit centres de maintenance et de 70 distributeurs présents dans 105 pays.
 
À moyen terme, Delair souhaiterait intégrer les réflexions en cours dans les milieux civils et militaires en matière de propulsion décarbonée. « Nous pourrions développer un drone nativement propulsé à l’hydrogène qui aura l’avantage de valider des technologies sur des échelles de temps plus courtes que celles de l’aviation civile ». Bien qu’ayant bénéficié à deux reprises du programme RAPID, la croissance de Delair provient en immense majorité de fonds privés, valorisés à plusieurs dizaines de millions d’euros. Les remous économiques provoqués par la crise sanitaire ont entre-temps paralysé le marché export et rebattu les cartes, incitant la société toulousaine à miser davantage sur les leviers publics pour pouvoir rebondir. « Lorsqu’on les compare avec les sommes annoncées dans les différents plans de relance, on remarque que les montants plus limités comme ceux fournis par le programme RAPID suffisent à accomplir des choses très concrètes », conclut  Bastien Mancini.

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