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Ce que l'AIG nous apprend sur CaMo

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Seuls quelques communiqués officiels et bruits de couloirs permettaient d’évaluer l’ampleur de l’Accord intergouvernemental (AIG) signé le 7 novembre 2018 par Florence Parly et son homologue belge, l’ex-ministre de la Défense Steven Vandeput. Jusqu’à aujourd’hui et sa publication, dévoilant un document aussi dense qu’éclairant sur le rapprochement des forces terrestres française et belge.
 

Non, CaMo ne se limite pas à l'achat de 60 Jaguar et 382 Griffon

Non, CaMo ne se limite pas à l’achat de 60 Jaguar et 382 Griffon


 
Il est essentiel, bien entendu, de prendre l’ensemble de ces données avec énormément de précautions, sachant que le processus de ratification de l’AIG n’en est qu’à ses débuts et que toute étape à venir est potentiellement synonyme de modifications, voire de paralysie. Une discussion initiale du texte par le Sénat est prévue pour le 28 mars, suivie d’une première lecture par l’Assemblée nationale. Une fois l’essai transformé, cette accord sera valide pour une durée de 15 ans et pourra ensuite être renouvelé pour de nouvelles périodes successives de cinq ans.
 
Outre la livraison de 382 Griffon et 60 Jaguar ainsi que le schéma, déjà connu, de la gouvernance franco-belge (les bureau de programme CaMo, CODIR et COPIL), l’AIG détaille pour la première fois le plan de développement capacitaire. Autrement dit, il dévoile l’ensemble des modalités de montée en puissance de la Capacité Motorisée belge et les bases de la coopération stratégique à venir entre les forces terrestres françaises et belges. Systèmes d’armes, formations, entraînement, soutien, etc.: l’ensemble des échanges et des prestations est basé sur un principe de réciprocité globale nécessaire à l’élaboration et au maintien d’un équilibre entre les deux forces. Nulle relation père-fils donc, mais bien une relation frère-frère fondée sur l’adoption de procédures et de schémas équivalents d’entraînement, la recherche « d’un maximum de synergies dans tous les domaines », l’appui mutuel lors des étapes de transformation des unités et la recherche de convergences dans l’expressions des besoins futurs.
 
 
Un calendrier prévisionnel
 
Si la réponse au « quoi ? » est maintenant connue, celle relative au « quand ? » se limitait jusqu’à aujourd’hui à une date: 2025, date prévue pour les premières livraisons à la Composante Terre belge. La publication du projet d’AIG permet désormais d’établir une ligne du temps prévisionnelle.
 
(Crédit photo: Sénat français)

(Crédit photo: Sénat français)


 
Comme annoncé, le début de la transformation de la Composante Terre démarre cette année, de même que la phase d’appui des militaires belges à l’évolution de l’armée de Terre. Il s’agit, pour la partie belge, de consolider la structuration de la Brigade Motorisée récemment formée et destinée à adopter une structure interarmes par l’agrégation d’une quinzaine d’unités distinctes. Cette première phase permettra de placer la Composante Terre dans des conditions initiales identiques à celles de l’armée de Terre avant sa propre conversion. Dès 2021, la Brigade Motorisée devrait par après entamer sa mue vers une force Scorpion sur base du modèle français. Forte de la livraison de ses premières capacités Scorpion, l’armée de Terre pourra former, en 2021, un premier GTIA projetable puis, deux ans plus tard, une première brigade interarmes.
 
L’expérience accumulée par la France et partagée avec la Belgique autorisera celle-ci à entamer une seconde phase à partir de 2025. Celle-ci correspond tout d’abord à la livraison de matériels à destination de la Brigade Motorisée. Une fois ceux-ci livrés en suffisance, la Belgique pourra alors, grâce au renforcement des activités de préparation opérationnelle commune, constituer un premier SGTIA projetable vers 2027, puis d’un GTIA en 2029. Les deux armées continueront en parallèle à développer un maximum de synergies et à s’appuyer mutuellement, aboutissant en 2030 à la transformation complète de la Composante Terre et, en 2033, de l’armée de Terre.
 
La vitesse de croisière sera donc atteinte à partir de 2034, soit quinze ans après la promulgation – espérons-le – de l’AIG. Une fois parfaitement stabilisé, le partenariat franco-belge devra pouvoir coordonner efficacement l’interopérabilité opérationnelle entre S/GTIA belges et français tout en s’attachant à approfondir « les échanges, les mutualisations et les coopérations innovantes ».
 
 
Une transformation totalement intégrée
 
D’ici 2025, la Composante Terre devrait avoir adopté l’intégralité des documents doctrinaux et organisationnels français « tout en tenant compte des particularismes belges ». Pour ce faire, la Défense belge a d’ores et déjà déployé du personnel au sein du CDEC, du laboratoire de combat Scorpion (LCS), du COME2CIA et de la forces d’expertise du combat Scorpion (FECS). En coopération avec leurs homologues français, ces militaires tâcheront non seulement de « maîtriser les évolutions doctrinales (ndlr: françaises) et d’en anticiper les conséquences », mais participeront également à l’élaboration de nouveaux protocoles communs. Le travail de cette poignée d’officiers sera essentiel au difficile processus de mutation de la Composante Terre. Cette étape est en effet critique pour les deux armées en ce sens qu’elle induit une charge maximale sur les différentes structures.
 
Pour assurer sa pleine métamorphose vers une force Scorpion, l’armée belge réalisera une partie du volet formation sur le territoire français. À l’instar des soldats français, les primo-formateurs belges sur véhicules Griffon et Jaguar recevront leur instruction au 1er régiment de chasseurs d’Afrique de Canjuers (1er RCA). La transformation des équipages de Griffon aura ensuite lieu dans les centres de formation belge, tandis que celle des équipages Jaguar sera maintenue à Canjuers. Le volet maintenance devrait quant à lui reposer sur un rapprochement entre les Ecoles du matériel de Bourges côté français et le Centre de Compétence de la Formation Appui (CC Sp) de Tournai (nord du Hainaut) pour la partie belge. Toute la difficulté, finalement, consistera à respecter le principe de réciprocité globale établi en amont et générateur d’une juste répartition des charges. Paris et Bruxelles étudient donc différents scénarios susceptibles de renforcer les prestations par la Belgique. Les deux parties envisagent, par exemple, la formation d’une partie des pilotes de Griffon et Jaguar sur le sol belge, l’appui belge à la formation des administrateurs SICS/CONTACT français à l’horizon 2019/2020, ou encore l’envoi d’instructeurs belges supplémentaires à Bourges pour la période 2020-2025.
 
 
Vers l’intégration de nouvelles capacités
 
Il serait maladroit de croire que l’année 2034 accouchera d’une fixation définitive de l’éventail capacitaire du programme CaMo. Bien au contraire, l’AIG laisse explicitement une porte ouverte à l’étude et à l’intégration de nouvelles capacités pendant ou après la transformation de la Composante Terre.
 
C’est l’un des objectifs du COPIL « Partenariat armement ». En coopération avec le COPIL « Capacitaire », celui-ci est notamment chargé d’identifier « les opportunités de coopération dans le domaine terrestre et instruire leur faisabilité en termes de conduite de programme ». Co-dirigé par le sous-directeur Europe Occidentale et Amérique du Nord de la DGA et le chef de la division Systèmes de la DGMR, ce COPIL examinera en outre les opportunités complémentaires de coopération en matière d’élaboration de futurs systèmes à travers, par exemple, de programmes de R&D communs et la mise sur pied de centres d’expertise et d’essais.
 
Et les axes de coopération supplémentaires sont nombreux. La Vision stratégique belge n’envisage-t-elle pas, entre autres, de convertir entre 2027 et 2029 une partie des unités d’artillerie de la Composante Terre en « une batterie d’appui-feu de précision indirecte, à longue portée, équipée de véhicules à roues aérotransportables ». Difficile, au vu de ces quelques mots, de ne pas envisager l’ajout d’une capacité CAESAR, seul système d’artillerie répondant parfaitement à la description, certes succincte, du Livre blanc de la Défense belge.
 
 
Ce que la Belgique paiera à la France
 
Enfin, le volet financier était, lui aussi, jusqu’à présent limité à un seul chiffre, à savoir le budget de 1,5Md€ débloqué par la Belgique pour l’achat des systèmes. Si la part réservée aux industriels français (à l’exception d’Arquus, qui évalue son gain à 250M€) et les retours sociétaux concédés aux entreprises belges restent obscurs, le projet d’accord expose précisément la « rémunération » du soutien apporté par l’Etat français, mandaté par la Belgique pour passer en son nom le contrat d’acquisition. Selon l’AIG, cette quote-part s’élèvera à 40M€ HT pour la part ferme initiale du contrat, versée sous la forme de plusieurs paiements successifs. De fait, la Belgique paiera un montant de 5M€ à partir de cette année et jusqu’en 2023. La facture annuelle sera ensuite ramenée à 1,875M€ pour la période courant de 2024 à 2031, année du dernier paiement. L’accord prévoit ensuite une contribution financière équivalente à 3% du montant de chaque commande destinée à financer, en cas de besoin, les dépenses et prestations non prévues à la date de notification du contrat. Enfin, développement capacitaire oblige, la France prévoit un prélèvement de 3% du montant sur toute éventuelle commande additionnelle de matériel sur étagère.

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