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L'Argentine va renforcer sa défense

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Qui dit défense dit militaire, et l’Argentine a une histoire assez compliquée avec ses militaires. Pour autant, l’armée argentine pourrait recevoir deux cadeaux de la part du président Macri : une modernisation et de nouvelles missions. Si ces dernières risquent d’être sévèrement débattues dans le pays, la volonté de modernisation est un signal intéressant d’une certaine remontée en puissance des forces armées jusque dans les régions où les risques de guerre conventionnelle sont faibles. 
 

Soldats argentins lors d'un défilé en l'honneur des hommes tombés pendant la guerre des Malouines, mai 2017 (crédits :  Nicolás Stulberg )

Soldats argentins lors d’un défilé en l’honneur des hommes tombés pendant la guerre des Malouines, mai 2017 (crédits : Nicolás Stulberg)


 
Mauricio Macri, président de la république d’Argentine depuis bientôt trois ans, a annoncé cette semaine que les forces armées seront préparées aux défis actuels. Pour ce faire, deux propositions. Premièrement, les militaires argentins collaboreront avec leurs camarades de la sécurité intérieure pour mener des opérations sur le territoire national, ce qui n’est pas autorisé par les lois du pays. Deuxièmement, la stratégie de défense argentine sera revue pour que l’armée devienne une véritable force de dissuasion et qu’elle soit en mesure de remplir des missions internationales.
 
Alors oui, évidemment, faire accepter l’idée aux Argentins ne sera probablement chose aisée, mais Macri a déjà réussi dans ce type de pari. La dictature militaire qui s’est installée en 1976 pour disparaitre sept ans plus tard avec l’échec cuisant contre l’armée britannique sur le contentieux des Malouines, bien des Argentins l’ont encore en tête et pourraient voir d’un mauvais oeil un potentiel retour en force de l’armée. Pour autant, si le régime militaire et la guerre qu’il a déclenchée ont détruit de nombreuses familles, le souvenir des Malouines pourrait tout aussi bien se révéler bénéfique pour la politique de Macri.
 
Quand un pays perd une guerre, que les soldats meurent par centaines, pleurés par leurs proches, il y a chez les individus un certain sentiment de rejet pour l’armée, surtout quand celle-ci a été désavouée par un nouveau régime pour sa responsabilité dans d’autres centaines de morts, civiles cette fois. Quand un pays perd une guerre, il y aussi chez certains individus, parfois les mêmes, souvent bien enfoui, un sentiment de revanche : notre armée a été écrasée, cela ne doit pas se reproduire. Macri l’a surement bien compris, et il compte faire pour l’armée, ce qu’il a fait pour la police.
 
Sa première réussite à des élections nationales remonte à 2005 où il obtient un siège de député en faisant campagne pour une augmentation du nombre de policiers et avec un meilleur salaire. Maire de Buenos Aires dès 2007, il donne à la ville une force de police un temps indépendante de la police fédérale, jusqu’à lors seule garante de la sécurité intérieure du pays. Président, il veut donner aux policiers plus de latitude dans leurs missions (comme de tirer par exemple dans des cas hors du cadre de la légitime défense), un souhait qu’il réitère pour les militaires.
 
Concrètement, Macri a déclaré ce lundi que le système de défense nationale était insuffisant, annonçant alors un « processus de modernisation » visant à rendre les forces armées du pays capables de faire face aux « défis du 21e siècle. » Lui qui était présent à la garnison militaire de Campo Mayo pour « payer la dette aux forces armées de la démocratie », s’en est pris à un « système de défense désuet (…) résultat d’années de sous-investissement et de politiques à long terme. »
 
Premier stade pour moderniser l’armée alors, une nouvelle directive politique qui soulignera la mission principale des forces armées de protéger la souveraineté et l’intégrité territoriale du pays : leurs toutes premières nouvelles missions consisteront en un soutien logistique aux frontières et la protection des « objectifs stratégiques ». Rien que pour la première mission, le ministère de la Défense prévoit la création d’une force de déploiement rapide de 10 000 hommes. Deuxième stade, lui donner les moyens de soutenir la politique extérieure de l’Argentine ce qui implique une « présence accrue dans les opérations de paix des Nations Unies », une « promotion de la coopération » ainsi que la « présence du pays dans l’Antarctique. » (ici, ceux qui suivent penseront à l’acquisition de quatre navires patrouilleurs auprès de Naval Group).
 
Bref, Macri prépare le parlement argentin à une augmentation des budgets de défense. Il restera donc à voir si une opposition politique viendra contre-carrer ses plans, mais le régime argentin, de type présidentiel lui laisse une marge d’action conséquente. À vrai dire, il s’agira de convaincre le peuple argentin de la pertinence de ses idées (les élections présidentielles auront lieu en 2019) quand celui-ci, qui n’a pas oublié, est aussi très sensible aux questions financières, l’inflation étant son premier soucis…mais l’insécurité étant le second, Macri n’a peut-être pas pris la mauvaise vague.
 
En fait, comme dit plus haut, dans le même temps que Macri se prononçait pour la modernisation des forces armées il ratifiait une proposition du gouvernement autorisant donc la participation de l’armée à la sécurité intérieure. Un processus, très malin car très logique finalement : bien que l’ombre de la guerre ne plane pas directement sur notre pays, il y a d’autres défis sécuritaires qui nous menacent à l’intérieur de nos frontières, nos soldats peuvent y répondre, pour ce faire ils auront de nouvelles missions et un soutien matériel et financier pour les accomplir.
 
Une fois que la remontée en puissance des forces armées argentines sera enclenchée il faudra poursuivre pour qu’elles deviennent une force de dissuasion (« un instrument de dissuasion réel, avec la perception de la menace pour les intérêts de la nation et ses risques présents et futurs correspondants » selon le texte officiel) et que, comme pour tout pays qui veut grimper sur la scène internationale, elle puisse opérer à l’étranger avec ses partenaires (l’Argentine a participé à la guerre du Golfe, aux missions des Nations Unies dans les Balkans, à Haiti et à Chypre). « Nous, Argentins, vivons dans une zone de paix et de stabilité, mais nous faisons partie d’un monde complexe dans lequel les menaces, les risques et les défis qui affectent les États exigent une coordination efficace » a ainsi déclaré le président.
 
Pour le moment, les militaires argentins manquent cruellement de moyens, l’Argentine ne dépensant même pas 1% de son PIB pour sa défense, un pourcentage inférieur à la moyenne sud-américaine. Selon la presse nationale, les critique se multiplient sur le sujet, le défilé militaire du 9 juillet ayant du être annulé et les augmentations de salaires au sein des forces armées ne suivant pas celles du civil.
 
À suivre.

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