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Mais que manigancent Stockholm et Helsinki dans le dos de Bruxelles ?

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Alors que le week-end dernier les ministres de la Défense des États-membres de l’UE – Royaume-Uni inclus – se réunissaient à Sofia pour discuter de l’avenir de l’Europe de la Défense (Brexit, PESCO, force d’intervention européenne etc), ce lundi Jussi Niinistö et Peter Hultqvist, respectivement ministres de la Défense de la Finlande et de la Suède, s’envolaient pour Washington afin d’y rencontrer leur homologue américain James Mattis pour parler coopération militaire.
 

Micael Byden, commandant en chef des forces armées suédoises, s'entretient avec deux soldats américains lors de l'exercice militaire suédois «Aurora 17» sur l'aérodrome de Save à Goteborg, en Suède, le 13 septembre 2017. Derrière eux, le système anti-missiles américain Patriot commandé par Stockholm au grand dam des missiliers européens (Crédits : Reuters)

Micael Byden, commandant en chef des forces armées suédoises, s’entretient avec deux soldats américains lors de l’exercice militaire suédois «Aurora 17» sur l’aérodrome de Save à Goteborg, en Suède, le 13 septembre 2017. Derrière eux, le système anti-missiles américain Patriot commandé par Stockholm au grand dam des missiliers européens (Crédits : Reuters)


 
Bien que le secrétaire d’Etat à la Défense d’outre-Manche, Gavin Williamson, n’était pas présent auprès de ses homologues dans la capitale bulgare le 5 mai, le Royaume-Uni a affirmé soutenir le projet de force d’intervention européenne défendu par Emmanuel Macron et la ministre des Armées, Florence Parly. Le projet français pour l’Union Européenne « contribuera certainement à la réalisation de ce que nous recherchons, à savoir un partenariat approfondi et spécial avec nos collègues européens en matière de défense et de sécurité » avait alors déclaré à le ministre d’État britannique à la Défense Frederick Richard Curzon à l’Agence France Presse. En fait, à l’heure du Brexit mais aussi des avancées de la coopération structurée permanente connue sous l’acronyme PESCO, Bruxelles et Londres discutent pour que soit entretenue une relation stratégique entre l’UE et leur futur ancien État-membre. Bref, Londres en plein processus de Brexit semble croire aux initiatives pour une défense européenne approfondie, mais cela n’est peut-être pas le cas de tout le monde.
 
Si neuf pays – l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, les Pays-Bas, la Belgique, le Danemark et l’Estonie – affichent aujourd’hui leur soutien à Paris qui apparait comme le leader de la future défense européenne (budget, puissance militaire, initiatives), beaucoup d’autres ne le font pas. Et parmi eux, l’on retrouve la Finlande et la Suède, déjà connus – si on peut se permettre de l’avancer – pour entretenir une relation d’importance avec Washington sur les questions militaires (coopération, achat de systèmes d’armes stratégiques aux dépens des industriels européens etc).
 
Même Madrid et Tallin qui mettent un point d’honneur à soutenir les initiatives militaires américaines au travers de l’OTAN, voire pour l’Espagne a les avoir suivi en Irak et acquis de nombreux aéronefs de production américaine, paraissent vouloir être de ceux qui activeront la future défense européenne. Dans ce sens, les deux pays qui appuient l’action de la France au Mali ont déclaré à Sofia que Bruxelles devait laisser la Grande-Bretagne dans le programme satellitaire Galileo que l’UE développe pour rivaliser avec le GPS américain (et ce en dépit des règles qui interdisent le partage d’informations sensibles avec des pays tiers), signe qu’ils sont impliqués dans l’avenir de l’autonomie stratégique européenne.
 
Le ministre de la Défense suédois, Peter Hultqvist, avait bien un message similaire: « Il est important que la Grande-Bretagne soit impliquée dans la future coopération européenne en matière de sécurité. » Pourtant, cette semaine il est sur le sol américain, comme son homologue finlandais, avec pour objectif de signer conjointement avec James Mattis une déclaration d’intention pour la coopération en matière de défense. La déclaration d’intention tri-partite doit compléter et regrouper ce qui a déjà été convenu. D’après le ministre suédois « L’accord entre les Etats-Unis, la Suède et la Finlande vise à accroître la stabilité. » Il amènera à une « coopération » et un dialogue » approfondi sur les « activités que nous menons dans notre partie de l’Europe directement avec les États-Unis » a-t-il précisé. Et selon lui « nous avons remarqué une attitude très positive du côté américain ».
 
Selon le communiqué officiel du gouvernement suédois daté du 7 mai « avec l’aide de la coopération, vous pouvez veiller à ce qu’il n’y ait pas de chevauchements ou de conditions de concurrence dans la pratique internationale (…) Les ministres de la défense finlandais et suédois ont informé le Parlement de cette affaire. » Cette dernière phrase du communiqué a déjà fait réagir certains députés et journalistes finlandais, pour lesquels le Parlement aurait alors été informé « dans le silence ». Dans la presse suédoise, on indique que la Commission de défense a été récemment informée de la coopération, mais que les représentants avaient jusqu’à présent été « tenus au secret ».
 
« Nous essayons ensemble d’améliorer nos capacités militaires, alors nous considérons naturellement comme un accord que les trois pays se joignent à une collaboration plus approfondie » a précisé Hultqvist à la presse suédoise. Charlie Salonius-Pasternak, chercheur principal à l’Institut de politique étrangère suédois parle même d’un accord important qui « facilite l’organisation des exercices qui se multiplient et facilite l’échange d’informations entre les pays ». Surtout, et c’est là que les industriels européens devraient grincer des dents, selon Salonius-Pasterkan, un échange d’informations plus approfondi peut dès lors s’appliquer aux systèmes d’armes que les trois pays utilisent. Pour embêter encore d’avantage les partisans de l’Europe (industrielle) de la Défense, le président du Comité des affaires étrangères du parlement finlandais, Matti Vanhanen a déclaré aujourd’hui : « on pourrait imaginer que, surtout dans la technologie militaire, un tel encouragement pourrait être important ».
 
Paavo Arhinmäki, député de l’opposition, n’est lui pas satisfait de la discrétion autour de la rencontre à trois, « la politique étrangère et de sécurité doit être discutée ouvertement (…) s’il n’y a rien de nouveau ou de surprenant dans la déclaration, pourquoi ne pouvons-nous pas en parler à l’avance, sa préparation a-t-elle été secrète? » s’est-il interrogé. Son collègue Markus Mustajärvi qui est au comité pour la Défense pose les mêmes questions sur cette « déclaration » qu’il désigne comme étant un véritable « accord » et qui prouve selon lui que « la Finlande s’approche de plus en plus de l’alliance avec les États-Unis et l’OTAN. »
 
Si la presse finlandaise rappelle justement que les Finlandais sont historiquement divisés sur la question d’un rapprochement avec l’OTAN et les États-Unis, et qu’un alignement sur la politique du voisin suédois pose question, il n’est jamais fait référence à l’Union Européenne de quelque manière que ce soit. Pour Peter Hultqvist « le lien transatlantique est très important pour équilibrer l’ensemble de la politique de sécurité en Europe. » Alors, c’est pardonné ! Plus d’informations demain avec la signature de ladite déclaration.

 
 

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