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Europe de la défense : les Etats-Unis, l'OTAN et les pays baltes restent perplexes

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Florence Parly et Ursula von der Leyen, ministres de la défense de la France et de l’Allemagne étaient à Munich le vendredi 16 février où elles étaient invitées à ouvrir la 54e conférence annuelle sur la sécurité. À cette occasion elles ont confirmé leur engagement pour la Coopération Structurée Permanente (PESCO), celle-ci doit donner à l’Union Européenne, une force militaire déployable indépendamment de l’allié américain et de l’OTAN. Ces derniers ont émis des réserves, tout comme l’un des membres de l’UE, l’Estonie. 

 

(Crédits : Parlement européen)

(Crédits : Parlement européen)


 

Au cours d’un discours tourné vers l’avenir sécuritaire de l’UE, dont l’engagement commun franco-allemand pour la défense sera un acteur de premier rang, la ministre des Armées a rappelé les efforts déjà réalisés, annonçant qu’il fallait s’attendre « à une intensification encore plus grande de ce partenariat » dans les prochains mois. Si l’Allemagne et la France possèdent « une brigade commune, des avions communs, des hélicoptères communs » et qu’ils auront à l’avenir « des drones communs, des canons communs, des avions de chasse communs », les pays européens ont encore « un sérieux travail d’introspection à mener » si ils veulent prévenir les menaces futures.

 

Alors que la France a beaucoup parlé de l’Allemagne, l’homologue allemande de Parly s’est surtout adressée à Washington, puisqu’il s’agissait de rassurer l’UE sans froisser l’allié américain. Déclarant que l’Allemagne était prête à assumer davantage de responsabilités internationales, elle a cité l’accord de coalition gouvernementale entre les conservateurs de la chancelière Angela Merkel et le Parti social-démocrate qui promettent plus d’argent pour la défense, « il y aura des milliards pour la défense ». Pour la défense communautaire, elle s’est montrée très en faveur de la PESCO, une structure qui permettra, selon elle, à l’Europe d’agir seule. Étant donné qu’agir seule, implique à la structure européenne d’être autonome vis à vis de l’OTAN et de l’assistance américaine, elle a précisé ses propos au micro de France 24 : « LOTAN sera toujours la défense collective, mais il y a d’autres tâches (…) où l’Europe est nécessaire (…) ce que voit Washington, pour l’instant, c’est 27 forces armées différentes. Nous devons harmoniser les troupes des États de l’UE et les rendre plus opérationnelles. Renforcer ce pilier européen au sein de l’OTAN est l’un de nos buts. »

 

Florence Parly a donné la même importance à l’OTAN, indispensable, qu’à la coopération européenne, s’agissant dans les deux cas de les renforcer. Selon elle, la défense européenne devra être autonome « lorsque les Etats-Unis ou l’Alliance souhaiteront être moins impliqués ». Pour ce faire elle propose d’approfondir la PESCO, et attend un « bon avant » du Fonds Européen de Défense. Cependant, faire évoluer les institutions, ne sera pas suffisant, selon Parly, c’est sur le terrain que viendra le « succès » de l’Europe de la défense. Elle a, à cette occasion, défendu l’Initiative Européenne d’Intervention proposée pour la première fois par Macron lors de son discours à la Sorbonne le 26 septembre 2017, rappelant qu’il s’agissait de « faire émerger une culture stratégique commune parmi les Européens ». À l’époque, le président français avait annoncé que « l’Europe devra ainsi être dotée d’une force commune d’intervention, d’un budget de défense commun et d’une doctrine commune pour agir » au début de la prochaine décennie. Enfin, l’autonomie stratégique de la défense européenne passera par la « maîtrise technologique », surtout en ce qui concerne les « nouveaux champs de la confrontation » : l’espace et le cyber. À plus court terme, il s’agira d’être autonome sur le segment ISR (Intelligence, Surveillance and Reconnaissance) et des ravitailleurs, « de cela, l’IEI peut nous donner les clés » avait ainsi insisté la ministre.

 

Les déclarations ont été globalement bien accueillies par les responsables de l’OTAN et ceux de la Maison-Blanche. Logiquement, Mattis, secrétaire d’État américain à la défense, et Stolenberg, secrétaire général de l’OTAN ont félicité les membres de l’UE s’engageant en faveur d’une hausse de leur budget de défense, louant même, pour Mattis, les efforts allemands : « On peut voir une Allemagne beaucoup plus engagée aujourd’hui que vous et moi n’aurions pu deviner, même cinq ans plus tôt”. Néanmoins, et comme il fallait s’y attendre, ces félicitations n’ont fait que précéder des blâmes. Pour Mattis, les plans de défense de l’UE ne doivent que renforcer la défense commune de l’OTAN et non lui nuire, prétextant que la défense commune est une mission de l’OTAN qui appartient à l’OTAN «seule».

Pour Stolenberg, les travaux engagés par la PESCO risquent « d’affaiblir le lien transatlantique (…) en dupliquant ce que l’OTAN fait déjà (…) et en discriminant les pays non membres de l’UE». Il a surtout ajouté que l’Union Européenne devait comprendre qu’elle sera incapable de défendre l’Europe à elle seule.

 

Notons également que des réserves ont été émises depuis l’intérieur de l’UE, puisque l’Estonie par exemple, attend principalement de la défense européenne qu’elle investisse dans la sécurité de ses frontières extérieures. Se sentant menacée par la Russie, l’Estonie consacre déjà 2,2% de son PIB à son armée et selon la présidente, Kersti Kaljulaid, le pays ne peut pas se permettre de dépenser davantage. Si elle a reconnu qu’il y avait « du mouvement« , elle s’en est néanmoins prise indirectement à l’Allemagne, rappelant que tous les pays membres de l’UE et de l’OTAN avaient pris les mêmes engagements, soit de porter leur effort de défense à 2% du PIB d’ici 2024, ce que l’Allemagne aujourd’hui à 1,2%, sera incapable de réaliser dans les temps.

 

Évidemment, le projet européen pour la défense commune ne pourra pas satisfaire tout le monde, en tout cas, pas à ses débuts, et sûrement pas les Américains qui, tout en étant des alliés cruciaux, restent des concurrents commerciaux. Une concurrence sur les produits de défense qui devrait, avec l’exigence de l’autonomie stratégique, pousser à la formation de géants industriels « pleinement européens » comme l’espérait Parly dans son discours. En attendant que la PESCO porte ses fruits, nous pouvons déjà souligner que le Fonds Européen de Défense a attribué ce 19 février, le premier contrat relatif à la recherche sur la défense de l’UE à un consortium emmené par Rheinmetall et composé de partenaires issus de neufs États-membres différents. L’industriel allemand a ainsi déclaré « dans le cadre du projet GOSSRA, des études seront menées pour développer une architecture de référence ouverte qui servira de base à des systèmes de soldat normalisés à l’échelle de l’UE. »

 

De même, si l’engagement allemand pour sa défense nationale ainsi que pour la défense européenne pose encore question, la diplomatie d’outre-Rhin donne dans la clarté et la determination : « personne ne devrait essayer de diviser l’UE – pas la Russie, pas la Chine, et pas non plus les États-Unis » avait alors déclaré Sigmar Gabriel, chef de la diplomatie allemande lors de la conférence de Munich.

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