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Chine : la qualité vaut mieux que la quantité

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L’armée chinoise continue son rapide mouvement de modernisation en augmentant son budget de défense tout en réduisant ses effectifs. Depuis longtemps dépendante des importations d’armement et d’une doctrine basée sur la mobilisation de millions de fantassins, elle a pris acte de ses faiblesses stratégiques ainsi que de son retard technologique. Poussée par le président Xi Jinping, qui s’appuie sur elle pour consolider son pouvoir dans le pays, elle souhaite faire progresser l’armement et l’entraînement de ses soldats. Les dernières discussions autour de l’armée populaire de libération (APL) révèlent les ambitions du deuxième budget de défense, encore loin derrière le concurrent américain. 
 

Défilé militaire chinois le 30 juillet 2017 pour les 90 ans de l'armée populaire de libération

Défilé militaire chinois le 30 juillet 2017 pour les 90 ans de l’armée populaire de libération


 
Ce mois de mars est décisif pour la Chine et son président Xi Jinping, puisque la session plénière annuelle de l’Assemblée nationale populaire (ANP) qui s’est ouverte pour deux semaines doit aboutir sur une augmentation du budget de défense et sur un renforcement du pouvoir du président qui sera probablement autorisé à rester après l’échéance de son second mandat en 2023, devenant de facto « président à vie », du jamais vu depuis Mao !
 
Si ces deux nouvelles d’importance ne paraissent pas avoir de lien direct entre elles, le budget de défense chinois augmentant chaque année, il faut savoir que la question militaire est prédominante chez Xi Ping au pouvoir depuis 5 ans. Celui-ci veut une armée moderne, capable de gagner des guerres et qui lui permettrait d’asseoir son pouvoir. Bien qu’il s’agisse de la plus grande armée du monde et du deuxième budget de défense, l’APL a perdu depuis deux ans son augmentation de financement à deux chiffres et elle compte bien trouver en Xi Ping son homme providentiel qui saura répondre à ses attentes en terme de modernisation. Lors d’un important congrès du Parti communiste en octobre, Xi a promis de construire une force de combat « de classe mondiale » d’ici 2050 et c’est dans ce sens qu’il a lancé en 2015 une série de réformes ambitieuses pour rendre les forces plus « capables » et plus « agiles ».
 
Dès lors, la Chine a renversé sa priorité stratégique basée sur la mentalité traditionnelle selon laquelle la terre l’emporte sur la mer, et les actes n’ont pas tardé à suivre les mots. Le format a évolué pour satisfaire le besoin d’agilité, le Premier ministre chinois, Li Kegiang, annonçant le 5 mars que l’APL avait atteint son objectif de réduire de 300 000 hommes les effectifs de son armée de terre pour conserver les « meilleurs » éléments (dans cette baisse d’effectif on retrouve 3000 militaires, dont 50 généraux, jugés dans le cadre d’une campagne anti-corruption menée par Xi). Si il est vrai, l’APL compterait alors aujourd’hui 2 millions d’hommes alors qu’elle en comptait 4,5 millions jusqu’en 1980. Par ce même mouvement, la priorité est maintenant donnée à la puissance navale ainsi qu’aux forces responsables des missiles balistiques et nucléaires, mais aussi au segment spatial et à la robotique.
 
En 2018, 175Mds$ doivent être accordés à l’APL pour qu’elle poursuive son ambitieuse modernisation. Pour comprendre ce chiffre, il faut se rappeler que le budget français équivalent devra être de 34,2Mds€ soit environ 42,2Mds$ , tandis qu’outre-atlantique il s’élève 700Mds$. Surtout, il faut savoir que l’APL bénéficie d’une croissance de 8,1 % de son budget alors qu’elle s’élevait à 7% en 2017. L’augmentation annuelle avait presque atteint 18% à la fin des années 2000 avant de repasser brusquement sous la barre des 10%, la croissance chinoise globale connaissant ses premiers ralentissements.
 
Cette progression du budget est un soutien clair de Xi Jinping aux forces armées qu’il veut prêtes pour le combat. Vêtu d’un treillis pour le 90ème anniversaire de la PLA le 30 juillet 2017, il a averti que la Chine protégerait sa souveraineté contre « toute personne, organisation ou parti politique » avant d’appeler les militaires chinois, qui devront être « capables de combattre et de gagner n’importe quelle bataille », à rester loyaux envers leur Président. Puis, au cours d’un discours le 18 janvier, prononcé devant 7 000 officiers et soldats lourdement armés, il a affirmé que ceux-ci ne devaient pas craindre la « mort » en se battant pour les valeurs communistes de leur pays. Par la même occasion, il a encouragé les troupes à « améliorer leur entraînement militaire et leur préparation au combat« .
 

Pour Xi et les généraux, « n’importe quelle bataille » doit pouvoir être gagnée loin du territoire chinois. Effectivement, la Chine connait une lourde faiblesse opérationnelle face au concurrent américain. Si ce n’est peut-être pas explicable par sa traditionnelle stratégie terrestre et défensive, rappelons avant tout que le pays ne s’est pas engagé militairement depuis l’opération contre le Vietnam en 1979. Selon les généraux chinois, et il serait difficile de leur donner tort, les intérêts de la Chine sont aujourd’hui dans le monde entier et ceux-ci, ainsi que sa stature internationale, l’obligent à s’engager (au minimum) dans le contre-terrorisme ou le maintien de la paix et donc à développer ses moyens de projection (grâce aux porte-avions par exemple). Dans le cas d’une menace pour le territoire national, l’APL doit être capable de battre l’ennemi à plusieurs milliers de kilomètres de ses frontières (grâce aux sous-marins et/ou les missiles balistiques).

 

L’augmentation du budget de défense doit également permettre une hausse des salaires, bien inférieurs à ceux des entreprises privées, pour assurer l’attractivité de l’APL. Surtout, elle doit financer les nouveaux systèmes d’arme chinois comme la troisième génération de chars de combat, le chasseur J-20 ou le porte-avions Type 001A, dont la haute-technologie fait significativement augmenter le coût de production et de maintenance. Globalement, la Chine désire faire progresser son auto-suffisance en terme d’armement. Longtemps importatrice, elle développe maintenant sa base industrielle et technologique de défense (qui a bénéficié des transferts de technologie étrangers), mettant l’accent sur l’innovation (Xi veut y faire participer les industriels privés, original pour un pays communiste) ainsi que sur l’exportation (une manière logique d’amortir les coûts de production et de consolider sa zone d’influence).

 

Pour résumer, Xi a des ambitions, l’APL aussi, et celles-ci sont interdépendantes. En répondant aux attentes de l’APL, à la fois chargée de concurrencer une armée américaine bien mieux équipée et de garantir la domination chinoise en Asie (il faut faire face à l’Inde, au Vietnam, au Japon, à Taïwan et tous les autres pays avec lesquels elle dispute son influence en mer de Chine orientale), le président chinois peut s’assurer de sa fidélité et donc conforter son pouvoir interne. Les responsables de l’APL ont d’ailleurs apporté leur soutien au projet législatif qui doit prolonger indéfiniment la présidence de Xi, le jugeant alors « nécessaire » et « opportun ».

 
 

Quoiqu’il advienne de la politique intérieure chinoise, la nouvelle doctrine militaire devrait rester celle-ci : la qualité vaut mieux que la quantité.

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