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Basons des alliances internationales sur la confiance !

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Hier soir, jeudi 22 mars, après des heures de discussion très tendue pour obtenir une unanimité indispensable des 28 membres de l’UE, les chefs d’Etat et de gouvernement réunis à Bruxelles ont déclaré qu’ils estiment hautement probable que la Russie soit responsable de l’empoisonnement d’un de ses ex-espions sur le territoire du Royaume-Uni, a « twitté » jeudi soir le président du Conseil européen, Donald Tusk.
 

Pierre de Villiers (ancien chef d'État-major des armées françaises), Martin Dempsey (ancien chef d’État-major de l’armée américaine), et Nick Houghton (ancien chef d’État-major de l’armée britannique).  (Photos: ministères de la Défense français, UsS et britannique)

Pierre de Villiers (ancien chef d’État-major des armées françaises), Martin Dempsey (ancien chef d’État-major de l’armée américaine) et Nick Houghton (ancien chef d’État-major de l’armée britannique). (Photos: ministères de la Défense français, US et britannique)


 
« Le Conseil européen est d’accord avec le Royaume-Uni sur le fait qu’il est hautement probable que la Russie soit responsable de l’attaque de Salisbury et qu’il n’y a pas d’autre explication plausible », a écrit Tusk. « Nous sommes pleinement solidaires avec le Royaume-Uni face à ce défi sérieux pour notre sécurité partagée », est-il indiqué dans la conclusion de cette réunion des 28.
 
En venant à Bruxelles, la Première ministre britannique Theresa May avait annoncé vouloir obtenir le soutien de ses homologues dans le très chaud dossier de l’empoisonnement de l’ex-espion russe Sergueï Skripal et de sa fille, il y a deux semaines.
 
Une conclusion au stade actuel de l’enquête est que l’agent innervant utilisé pour l’empoisonnement n’a été développé, produit et stocké que par la Russie à l’époque soviétique. Comme cela aurait été le cas pour d’autres anciens espions passés à l’Ouest (des enquêtes sur d’anciennes morts suspectes et inexpliquées vont être relancées), la Russie est désormais soupçonnée – accusée – de régler leur compte à ces traîtres du passé.
 
« L’utilisation d’armes chimiques, y compris l’utilisation comme arme de produit chimique toxique, est complètement inacceptable, doit être rigoureusement et systématiquement dénoncée et constitue une menace à notre sécurité à tous », ont affirmé les dirigeants européens jeudi soir. « Les Etats membres se coordonneront sur les conséquences à tirer à la lumière des réponses fournies par les autorités russes. » Non sans une certaine surprise, vu les divergences de vue entre les 28 en raison de leurs relations bilatérales avec Moscou, le ton employé par les chefs d’Etat et de gouvernement est plus offensif que celui auquel on pouvait s’attendre. Des sanctions européennes ne sont néanmoins pas encore évoquées.
 
Néanmoins, dès ce vendredi 23 mars, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a accusé Londres de pousser ses alliés à une confrontation avec Moscou.
 
Quand une situation devient aussi crispée au niveau international, il est bon de s’assurer des amitiés puissantes pour fonder sa stratégie de défense, surtout dans la perspective – plausible – d’une escalade. Certaines existent déjà. D’autres sont à bâtir. Vite !
 
Dans son édition du 20 mars dernier, le journal français Les Echos a publié une carte blanche signée de noms faisant autorité en matière de défense : Pierre de Villiers (ancien chef d’État-major des armées françaises), Martin Dempsey (ancien chef d’État-major de l’armée américaine), et Nick Houghton (ancien chef d’État-major de l’armée britannique).
 
L’amitié personnelle qui, à un certain niveau, unit ces ex-chefs d’état-major général s’explique par leur dernière fonction prestigieuse exercée avant départ à la retraite… ou démission. Commander, concrètement à défaut du titre officiel qui est constitutionnellement assigné au chef de l’Etat, toutes les forces armées d’un pays, voilà qui octroie une position unique pour gérer les risques et les menaces auxquels fait face son pays ! Donc aussi à s’exprimer sur le sujet.
 
Dans leur carte blanche, les trois anciens chefs d’état-major ont exprimé leur inquiétude quant à l’état du monde. Ce qui se passe sur les théâtres d’opérations actuels et dans les relations Russie-Occident leur donne raison. L’instabilité et l’incertitude deviennent la règle plutôt que l’exception.
 
Les ex-chefs d’état-major énoncent « trois menaces distinctes mais non disjointes » : le terrorisme islamiste radical, l’immigration de masse et le retour des Etats puissance. « La force régulatrice des Etats souverains comme celle des pôles de sécurité collective s’en trouvent fragilisées », ont-ils écrit. La responsabilité est à chercher, au moins en partie, du côté des inégalités sociales qui se sont creusées, aussi bien à l’intérieur des pays, qu’entre eux. « Autrement dit, l’humanité fait perdurer une désastreuse distribution des richesses et des opportunités dans le monde ».
 
Les nouveaux rapports de force que s’attachent à bâtir certains Etats, proches ou loin de l’Union européenne, sont préoccupants. Les lois de programmation militaire ou équivalentes doivent planifier des budgets de plus en plus élevés pour y faire face. Nous vivons dans un climat général de tension croissante, alors que notre monde maîtrise de mieux en mieux des technologies extraordinaires aptes à résoudre des problèmes fondamentaux de tous ordres, notamment climatique, problèmes que notre mode de vie contribue à aggraver.
 
Une conséquence est aisément constatable : notre monde se réarme. Les trois ex-chefs d’état-major relèvent qu’en 2016, les ventes de matériel militaire ont retrouvé leur niveau de la fin de la guerre froide. Et cette tendance s’accroît.
 
Dans leur carte blanche, la deuxième inquiétude mentionnée par les ex-militaires de haut-rang réside dans le fait que « l’efficacité des institutions internationales connaît un déclin continu. Elles nous semblent en difficulté pour résoudre les problèmes à l’échelle mondiale, alors qu’elles ont été créées pour cela. »
 
La troisième source d’inquiétude énoncée est « le manque d’engagement de la communauté internationale en faveur d’un leadership collectif et collaboratif. » Au-delà des discours, les réalisations communes pour résoudre les crises de tous ordres sont dangereusement trop rares. Le manque de volonté politique est à blâmer, en raison de préoccupations nationales ou trop restreintes.
 
Pour en revenir aux préoccupations de Forces Operations, il est connu que gagner la guerre ne suffit pas à gagner la paix : les opérations militaires en Afghanistan, en Afrique du Nord et subsaharienne, en Syrie, en Irak et ailleurs le démontrent douloureusement. Les trois ex-chefs d’état-major ont raison : « La meilleure façon de promouvoir la puissance militaire est de bâtir des alliances basées sur la confiance ». Puissent-ils être entendu par les sages ! Les sages… Y en a-t-il encore ?

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