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OTAN-UE : la saga continue et c'est tant mieux !

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Alors que le sommet de l’OTAN s’approche à grands pas, la dure ligne internationale conduite par Donald Trump depuis son élection continue de faire réagir les Européens sur la défense. En réaction aux « menaces », deux dynamiques sont apparues sur le Vieux-Continent et finalement, toutes deux convergent vers un même point : la consolidation de la défense européenne. Entre augmentation des budgets, en conformité avec les accords de l’OTAN, et les initiatives européennes pour la défense, peut-être Trump n’y est-il pas l’unique responsable, mais les Européens semblent se prendre en main. N’arrêtons pas en si bon chemin.
 

Le Secrétaire de l'OTAN, Stoltenberg, et Donald Trump ont de plus en plus de mal à convaincre les États européens sur l'OTAN, à suivre avec l'ouverture du sommet la semaine prochaine (Crédits : Jonathan Ernst/ Reuters)

Le Secrétaire de l’OTAN, Stoltenberg, et Donald Trump ont de plus en plus de mal à convaincre les États européens sur l’OTAN, à suivre avec l’ouverture du sommet la semaine prochaine (Crédits : Jonathan Ernst/ Reuters)


 
Ce billet doit survoler les dernières actualités autour de la défense européenne suite aux engagements européens et aux dernières vindictes du président américain alors que le sommet de l’OTAN débutera la semaine prochaine. Nous n’allons pas répéter ici le contexte qui est le même depuis plus d’un an, rappelons juste que, lorsque Trump hurle, ses homologues européens se réveillent mais parfois ils se rendorment, alors Trump hurle à nouveau et le dossier revient sur la table. Dire que les Européens se réveillent signifie qu’ils réfléchissent pour augmenter leur budget de défense, qu’ils sont force de proposition pour consolider la défense européenne. La détermination de Trump pour l’OTAN a donc une double influence : d’un côté l’effort global pour la défense devrait augmenter en Europe, d’un autre côté, les « menaces » proférées poussent les pays de la région à penser à leurs propres moyens pour assurer leur défense, et c’est là que le prochain sommet sera déterminant, l’augmentation de la part du PIB pour la défense pourra-t-elle servir à la fois à l’OTAN et à l’Europe de la Défense ? Bref, Trump fait beaucoup pour l’Europe de la Défense, reste aux Européens de ne pas faire les choses à moitié.
 
Ce jeu du bon et du mauvais flic dans une seule et même personne devrait persister tout le long du mandat de Trump et nous réserver encore quelques surprises même si à force d’être imprévisible, le président américain ne l’est plus vraiment, disons que nous avons compris ses manières de faire. Ce qui ressort de ses dernières actions dans la presse internationale est qu’il aurait envoyé plusieurs lettres focalisées sur l’OTAN à différents chefs d’État. Si seule la lettre destinée à la Première Ministre norvégienne a été dévoilée, au moins le Canada, la Belgique et l’Allemagne auraient reçu une lettre semblable. Dans ses lettres, le président américain dit comprendre les pressions politiques des opposants à l’augmentation des budgets de défense, mais qu’il « deviendra, cependant, de plus en plus difficile de justifier aux citoyens américains pourquoi certains pays ne partagent pas le fardeau de la sécurité collective de l’OTAN alors que les soldats américains continuent à sacrifier leur vie ou à rentrer chez eux grièvement blessés ». Cette lettre menaçante pourrait se retourner contre son rédacteur, la Norvège étant le premier allié des États-Unis en dehors de l’Union Européenne. Bien que les Norvégiens comptent sur leur alliance militaire avec les États-Unis et l’OTAN pour assurer leur défense, les dernières initiatives intra-UE en faveur de la défense rendent nos amis du nord envieux et ceux-ci, alors, poussent pour ne pas se retrouver comme l’un des seuls États d’Europe à ne pas bénéficier des avancées, comme le fonds européens de Défense par exemple.
 
Dans sa lettre à la Chancelière Merkel, il aurait été d’avantage piquant, nous rapporte le New York Times : « Comme nous en avons discuté lors de votre visite en avril, il y a de plus en plus de frustration aux Etats-Unis que certains alliés ne se sont pas engagés comme promis (…) La sous-utilisation de la défense par l’Allemagne compromet la sécurité de l’alliance et motivent les autres alliés qui ne prévoient pas non plus de respecter leurs engagements de dépenses militaires, car les autres vous voient comme un modèle ». Après que quelques voix se soient élevées contre les pressions de Trump, c’est son conseiller de sécurité qui est intervenu dimanche dernier, et pas pour calmer les tensions : « Si vous pensez que la Russie est une menace, posez-vous cette question: Pourquoi l’Allemagne dépense-t-elle moins de 1,2% de son PIB? Quand les gens parlent de miner l’alliance de l’OTAN, vous devriez regarder ceux qui mènent des actions rendant l’OTAN militairement moins efficace. »
 
Autre déclaration très intéressante sur le sujet, non pas de Trump cette fois, mais de son Secrétaire d’État à la Défense, James Mattis qui aurait menacé l’allié britannique que, si les efforts budgétaires n’étaient pas engagés, les États-Unis risqueraient de préférer la France au Royaume-Uni comme premier allié militaire européen (ici) ! Entre les initiatives lancées par Emmanuel Macron pendant et après sa campagne électorale, la « remontée en puissance » de la défense française permise par la hausse des crédits de la loi de programmation militaire, et tous nos hommes et femmes qui sont tous les fronts pour assurer le leadership français sur les questions militaires en Europe et sur la scène internationale, quand nos alliés ont d’autres chats à fouetter (Brexit pour les Britanniques, difficile coalition et discussions compliquées pour la Défense qui en découle pour les Allemands, alternance politique en Espagne et en Italie), la France joue ici les meilleures cartes possibles, concrètement, personne n’aurait pu espérer meilleure dynamique.
 
Du côté de l’Europe l’on peut voir une multiplication des initiatives et des engagements au risque que les nouvelles structures se gênent entre elles, comme elles pourraient se gêner avec l’action de l’OTAN en Europe. Avec l’arrivée de cet été 2018, deux structures d’interventions européennes ont été officialisées. Il y a évidemment l’initiative européenne d’intervention (IEI) défendue par Emmanuel Macron et qui compte aujourd’hui neuf signataires. Par l’IEI les signataires cherchent à « créer une sorte de force d’intervention rapide européenne sans passer par les mécanismes pesant de la politique commune de défense qui implique tous les Etats membres » elle « renforcera les liens entre les forces armées des pays membres par l’échange d’officiers et par des exercices conjoints d’anticipation et de planification militaire, de partage de doctrine, de rédaction de scénarios d’intervention et de partage de renseignements. » (Les Echos). Par elle, surtout, il s’agira d’aller vers une culture stratégique européenne. Nous pouvons aussi noter que le Danemark est signataire pour l’IEI alors que le pays ne prend pas part à la coopération structurée permanente.
 
Aussi, il n’y a pas que les initiatives franco-européennes qui comptent car la défense européenne ne s’arrête pas à l’Union Européenne. Heureusement pour eux, les Britanniques sont bien au fait de cela et ont su s’entourer de plusieurs partenaires pour leur Joint Expeditionary Force (JEF). Signé le 28 juin dernier par les pays d’Europe du Nord (Danemark, l’Estonie, la Finlande, la Lettonie, la Lituanie, les Pays-Bas, la Norvège et la Suède), le mémorandum d’entente marque la fin de la création de la JEF (lancée en 2015), préparant ainsi la force à l’action : la force conjointe serait aujourd’hui en mesure de déployer 10 000 hommes.
 
Outre ces deux forces d’intervention qui peuvent fonctionner en dehors du cadre de l’Union Européenne, il y a évidemment la PESCO qui sera l’un des principaux sujets lors du sommet de l’OTAN. La PESCO sert à rassembler sous une même bannière « défense » tous les États-membres de l’Union Européenne, et même ceux qui seraient réticents à l’idée de froisser l’important allié américain ou les responsables de l’OTAN. Une récente actualité est assez significative sur ce sujet. La PESCO est l’une des priorités affichées du groupe de Vyšehrad qui comprend la Hongrie, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie. Sous la présidence slovaque, le groupe régional très influent est motivé à l’idée de renforcer la coopération en matière de défense, probablement un point supplémentaire en faveur de l’UE face aux pressions de Donald Trump sur l’assistance militaire de son pays.
 
Terminons par un petit aparté sur la position italienne qui questionnait après les dernières élections et qui est maintenant plus rassurante. Celle-ci est probablement la plus compliquée en Europe : le nouveau gouvernement eurosceptique s’est bien plus engagé en faveur de l’alliance militaire avec les États-Unis et l’OTAN, qu’en faveur de l’Europe de la Défense, sauf qu’elle ne devrait pas non plus satisfaire les exigences de Trump puisqu’elle refuse de considérer la Russie comme une menace et prévoit de réduire sa participation aux opérations militaires internationales. Et sur le point de l’Union Européenne, les Italiens finiront bien par prendre le train de l’Europe de la Défense ou à défaut ils finiraient pas être pénalisés. Surtout que, l’Europe de la Défense, ils sont en plein dedans avec l’alliance Naval Group-Fincantieri pour les frégates ou leur intérêt pour le futur char franco-allemand et l’on ne parle même pas de leur participation au leader européen MBDA ou aux bénéfices que son industrie de défense pourrait perdre si le pays ne profitait pas des initiatives pour l’industrie de défense (fonds de recherche, programmes d’armement etc). Les dernières discussions en Italie tendraient en faveur de l’Europe de la Défense, dans le sens en tout cas où elle profiterait à l’Italie. La ministre de la Défense, Elisabetta Trenta, bien qu’elle s’oppose à la France sur la question de la Libye et de l’immigration prévoit de rejoindre bientôt ses homologues qui ont signé la lettre d’intention pour la force d’intervention européenne. Aussi, la semaine dernière était organisé par la direction générale de l’armement italienne, un atelier intitulé « Initiatives européennes de défense: une opportunité pour le système national » et présenté par le sous-secrétaire d’État à la Défense, Angelo Tofalo (plus d’informations ici).

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