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Plus la politique extérieure américaine se fait agressive plus les initiatives pour une politique de défense pour l’Union Européenne semblent se concrétiser. Alors, le Royaume-Uni qui quitte l’UE veut conserver quelques avantages de la future défense européenne. La Norvège qui est l’un des rares membres de l’OTAN à ne pas être membre de l’UE a peur d’être mise sur la touche. L’Europe de la Défense doit être pensée au-delà des cadres de l’UE…ou elle ne sera pas. 
 

Emmanuel Macron accueillant les chefs des armées de l'UE lors du lancement de la PESCO, le 14 décembre 2017. (Crédits : Reuters)

Emmanuel Macron accueillant les chefs des armées de l’UE lors du lancement de la PESCO, le 14 décembre 2017. (Crédits : Reuters)


 
Ce mardi 15 mai, la ministre des Armées Florence Parly s’entretiendra avec le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg. Leur rencontre intervient dans un contexte presque tendu entre les membres européens de l’OTAN et le principal contributeur de l’organisation, Washington. Pendant que Donald Trump bouscule les relations transatlantiques en poursuivant une certaine politique internationale solitaire, sans trop se soucier des réactions de ses homologues européens, ces derniers paraissent vouloir prendre en main la défense de leur continent. À ce sujet, la Chancelière allemande Angela Merkel a déclaré la semaine passée que « le temps où l’on pouvait compter tout simplement sur les États-Unis pour nous protéger est révolu » avant d’ajouter « l’Europe doit prendre son destin elle-même en main, c’est notre défi pour l’avenir ». Sauf qu’entre Washington et Bruxelles, il y a l’OTAN, et l’OTAN ce n’est pas uniquement Washington. Autrement dit, le destin de l’Europe, ce n’est pas seulement l’UE, mais aussi ces pays qui n’en sont pas membres, qui ne le seront bientôt plus, ou qui entretiennent une coopération militaire solide avec les États-Unis.
 
Nous en parlions il y a quelques jours sur le FOB, les ministres de la Défense suédois et finlandais, dont les pays ne sont pas membres de l’OTAN, se sont rendus à Washington pour signer une déclaration d’intention tri-partite visant à renforcer leur coopération militaire, soit une manière détournée de sa rapprocher de l’OTAN. Si ce rapprochement n’a pas vraiment fait réagir au sein de l’UE, il est bienvenu selon le ministre letton des Affaires étrangères, Edgars Rinkevics, qui a déclaré que si la Suède et la Finlande souhaitaient adhérer à l’OTAN, elles obtiendraient le plein soutien de la Lettonie. Les États-membres de l’UE ne se retireront pas de l’OTAN qui garantit aujourd’hui leur sécurité, mais il est certain que les relations seront revues en profondeur, qu’une émancipation de l’Europe de la Défense amènera forcément à une réflexion sur la place de l’OTAN et de Washington pour protéger le continent européen. Et puis, d’ici là il restera à convaincre les pays baltes (bien que l’Estonie affiche son soutien aux initiatives), la Pologne, la Roumanie, très attachés à l’aide militaire américaine, des bénéfices d’une Europe qui prend « son destin elle-même en main ». Et puis, faut-il penser le destin de l’Europe – ou tout simplement sa sécurité – sans penser aux Norvégiens ou aux Ukrainiens ? Et que dire des Britanniques ? Ou encore des Suisses ?
 
Fonds de défense de l’UE, coopération structurée permanente (PESCO), « force commune d’intervention » proposée par Emmanuel Macron, ou programmes en coopération futurs, comme nous l’avons répété maintes fois, au sein de l’UE les initiatives pour l’Europe de la Défense se multiplient; en conséquence, Oslo comme Londres deviennent soucieuses. « Nous voyons de plus en plus l’importance de la coopération avec l’UE dans la politique de défense et de sécurité », a indiqué la ministre norvégienne des Affaires étrangères le 9 mai dernier qui a rappelé que son pays était exclu de fait de la « gestion » de la PESCO (pays tiers, la Norvège ne serait autorisée qu’à participer exceptionnellement à des projets uniques et bien précis, si elle y apporte une valeur ajoutée) et du fonds de défense. Si le gouvernement norvégien ne s’attarde pas aujourd’hui sur la question de la PESCO, il affiche son intention de participer au fonds de défense qui laisserait son industrie de défense (dont le leader est Kongsberg) sur la touche. Au niveau décisionnel et stratégique la Norvège, qui veut « contribuer aux efforts conjoints pour la sécurité européenne » cherchera alors à se rapprocher du « forum de coopération en matière de politique de sécurité et de défense de l’UE » grâce à sa nouvelle « stratégie de coopération avec l’UE » dévoilée à l’occasion.
 
Au même moment, Londres (dont le rôle dans la future défense européenne à été récemment discuté sur le FOB) publiait une stratégie semblable via un document intitulé « Framework for the UK-EU security » qui insiste pour que soit conservé un lien stratégique certain avec la défense de l’UE, en proposant par exemple de fournir des troupes aux « unités de réaction rapide de l’UE » et d’accueillir des QG opérationnels. Selon les mots du secrétaire britannique au Brexit, David Davis, l’UE a le choix : « Ils peuvent nous traiter comme un pays tiers, en créant quelque chose qui est loin de nos relations existantes, ou ils peuvent adopter une approche plus adaptable dans laquelle nous fournissons conjointement la capacité opérationnelle dont nous avons besoin pour faire face aux menaces de notre sécurité partagée. » Cette vision est aussi celle des États du Benelux qui ont publié un document de réflexion intitulé « Participation des États tiers aux projets PESCO » qui propose aux autres États-membres de l’UE de se pencher – le plus rapidement possible – sur la question de la participation des non-membres.
 
Le document, obtenu par POLITICO, et qui définit les conditions dans lesquelles la participation d’un pays non-membre de l’UE serait envisagée, bénéficierait du soutien de 10 autres membres : la Lituanie, l’Estonie, la Lettonie, la Pologne, la Slovaquie, la République tchèque, la Bulgarie, le Portugal, la Suède et la Finlande). Par celui-ci, les États du Benelux – pour qui la sécurité de l’Europe est plus importante que les débats sur la sortie de l’UE par le Royaume-Uni – souhaitent que tout ce qui pourrait bénéficier à l’Europe de la Défense doit être compris dans sa consolidation : des économies d’échelle aux capacités de projection des forces britanniques en passant par l’expertise ajoutée ou des apports financiers, rien de doit être laissé de côté, ni même l’alliance avec les États-Unis et le Canada.
 
Bref, si beaucoup a été fait par l’UE et pour l’UE, tout reste à faire avec les pays « tiers », mais c’est peut-être par là que l’Europe de la Défense arrivera à maturité.
 

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