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Heckler & Koch : un procès, un jogging géant et des soupçons de corruption

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Difficile d’être bien vu quand on vend des fusils automatiques à l’étranger. Ça l’est d’autant plus quand on est une société allemande et que des procureurs, des journalistes et des associations vous poursuivent pour activités illégales et soupçons de corruption. Heckler & Koch (H&K) va avoir du mal à sortir indemne de ce dossier qui le suit depuis plus de dix ans. 
 

Un policier méxciain tient un fusil d'assaut Heckler-Koch HK G36C trouvé dans une maison lors d'une opération le 1er février 2015. (Photo: Jorge Dan Lopez / Reuters)

Un policier mexcain tient un fusil d’assaut Heckler-Koch HK G36C trouvé dans une maison lors d’une opération le 1er février 2015. (Photo: Jorge Dan Lopez / Reuters)


 
Il y a deux ans, H&K a communiqué qu’elle ne livrerait plus d’armes aux pays non-membres de l’OTAN ou de l’UE tant il était devenu difficile d’obtenir une autorisation d’exportation du gouvernement. Cette décision était aussi un moyen de s’éloigner des histoires néfastes pour l’image de l’industriel : légalité, compliance, ou éthique étaient il y a peu des notions totalement étrangères à certains employés d’H&K.
 
Effectivement, six d’entre eux sont actuellement jugés par le procureur de Stuttgart pour avoir fourni illégalement des fusils d’assaut vers quatre états mexicains entre 2006 et 2009. Les exportations vers ces clients de l’industriel allemand n’étaient pas permises par la politique du gouvernement qui souhaitait alors éviter de fournir en armes des polices potentiellement corrompues. Ce dossier sensible est ressorti en 2015 lorsque le parquet de Stuttgart lança des accusations d’infraction aux lois sur le commerce et les armes de guerre suite à un rapport des autorités douanières.
 
C’était l’occasion rêvée pour les militants anti-militaristes allemands, comme le journaliste Jürgen Grässlin, de s’en prendre au « marchand de canons » qui produit les fusils d’assaut HK416 pour l’armée française : ils soupçonnent que des fusils G36 aient été utilisés lors de l’enlèvement et du massacre d’un groupe d’enseignants stagiaires dans la ville d’Iguala en 2014.
 
Depuis le début de l’enquête, les responsables d’H&K sont coopératifs avec la justice allemande, et ont même mis à sa disposition un rapport d’audit commandé à KPMG en 2012. Sauf que ce dernier pourrait d’avantage noircir le tableau. Le magazine allemand Report Mainz a pu se le procurer, et en début de semaine il présentait certains éléments comme étant des preuves de corruption envers des représentants importants du pays.
 
En 2010, 10 000 € de dons au parti d’Angela Merkel (CDU), 5 000 € chacun à deux élus du parti allié au CDU à l’époque (FDP). Ainsi que des mails de l’ex PDG Peter Beyerle se plaignant auprès de ses collaborateurs que le gouvernement bloquait l’accès d’H&K au marché mexicain, proposant alors de tenter la « route politique ». En clair, il s’agissait d’influencer des personnalités politiques haut-placées pour faire changer d’avis le gouvernement allemand sur la question. Beyerle a proposé lui même d’envoyer des dons aux représentants concernés. Ces informations sont évidemment connues du parquet de Stuttgart qui avait refermé l’an passé une enquête pour corruption sur des généraux mexicains et tentative de corruption sur des élus allemands, la poursuivre étant inutile tant elle n’apporterait rien au dossier déjà lourd des activités de commerce illégales.
 
Si la justice n’enfonce pas plus Beyerle et les cinq co-accusés, Grässlin et l’association pour la paix « Frieden geht » (la paix est en marche) s’en chargeront. Selon eux, la pratique des dons (relativement faibles pour ne pas avoir à être déclarés officiellement) est courante en Allemagne pour influencer les parlementaires allemands sur la question des exportations d’armement. Grässlin accuse Volker Kauder, actuel chef de la coalition CDU-SPD au Bundestag, d’être un véritable lobbyiste de l’industrie d’armement allemande (il n’existe pas de système d’enregistrement des lobbyistes au Bundestag et le CDU s’y oppose formellement). Pour lui, les dons d’H&K lui étaient directement destinés, étant le membre le plus éminent du CDU du Bade-Wurtemberg où l’on retrouve le siège social d’H&K (« Le rôle de lobbyiste de Kauder pour Heckler & Koch est devenu plus qu’évident lorsque l’actionnaire majoritaire de H & K, Andreas Heeschen, l’a remercié personnellement pour son soutien aux accords d’exportation d’armements lors d’une conférence de presse en 2009. »); même si il ne serait « que le bras droit d’Angela Merkel qui, en tant que présidente du Conseil national de sécurité, a soutenu ces exportations ». 
 
Dans le même temps que les ex-employés d’H&K font face à leurs juges, les militants allemands ont organisé une sorte de course en relais géante (1000 personnes inscrites pour 1100km de trajet). Ils sont partis de l’entrée du siège d’H&K à Obendorf en début de semaine et doivent atteindre atteindre Berlin d’ici le 2 juin. Parrainés par 16 associations dont de nombreuses chrétiennes, environ trois-cents manifestants étaient présents pour soutenir l’initiative, passant également devant la manufacture de munitions de Rheinmetall Defence. « Oberndorf est la ville la plus meurtrière d’Europe », mais, c’est Grässlin qui le dit.
 

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