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FOB Interview : Général (2S) Epitalon, GICAT, sur la présence française au salon IDEF (Turquie)

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Pavillon_France_IDEF_2015

Une partie du pavillon français au salon IDEF 2015


Lors du salon IDEF 2015 qui s’est tenu à Istanbul du 5 au 8 mai 2015, FOB a eu l’occasion de rencontrer le général (2S) Epitalon, Délégué général adjoint du GICAT, Directeur Défense et International.
 
FOB : Quelle est l’importance d’IDEF pour l’industrie française et pour le GICAT
IDEF fait partie des grands salons de Défense Terrestre de l’année impaire qui est celle du Mondial du Bourget. Au premier semestre, pour le GICAT, il y a fédération de deux pavillons France : un sur IDEX (Abu Dhabi) en février qui est évidemment le premier salon en importance, tant en nombre d’exposants qu’en terme de prospects pour les industriels. Le deuxième du semestre est IDEF, à Istanbul, parce que sur ce salon il y a quand même plus de 25 exposants français, dont 16 regroupés sur le pavillon France, rassemblés autour des compétences de nos PME (petites et moyennes entreprises) / ETI (entreprises de taille intermédiaire), dans les domaines munitionnaire, électronique & optronique, protection NBC, blindage & mécanique et aéroterrestre.
 
IDEF n’est peut-être pas un très gros marché en dehors des grands programmes qui sont réservés aux majors, comme le sont Eurosam, MBDA et Thales toujours dans la course sur le projet de défense sol-air élargie à l’anti-missile qui n’est toujours pas décidé pour l’instant par le ministère de la Défense turc, mais on se rend compte que, sur IDEF, il y a des possibilités pour des entreprises, soit de coopérer directement  avec des sociétés turques, qui sont finalement assez ouverte aux possibilités d’échanges et de coopération sur des projets qu’ils ont eu en tant qu’entités turques, soit avec le ministère de la Défense. À ma connaissance, IDEF est le seul salon où les sociétés peuvent demander et obtenir des rendez-vous directement avec les officiers de l’état-major, plutôt dans le domaine logistique ou dans le domaine soutien de l’homme (qui correspondrait chez nous au Commissariat) dans les trois armées (Terre, Air, Marine) et pour la Gendarmerie/Police. Avec cette possibilité, n’importe quelle société peut discuter pendant 15 minutes avec un général chef de la logistique d’une des armées. Pour une PME, il est primordiale de pouvoir approcher des donneurs d’ordres à l’origine de l’expression du besoin.
 
Comment évolue la présence française à IDEF depuis ces dernières années ?
Il y a, depuis 4 éditions,  un phénomène de croissance régulière. Je pense que nous sommes plus nombreux cette année, on devait être une dizaine en 2009-11 sur le pavillon France. Le problème de participation à IDEF se situe, selon moi, à deux niveaux. Il y a un niveau politique avec IDEF tombant une semaine après l’anniversaire du génocide arménien qui provoque quelque fois des tensions au niveau diplomatique selon la position affichée des officiels français. Ensuite, il y a effectivement des possibilités de coopération qui sont ordonnées, cadencées par le ministère de la Défense turc, forcément liées aux décisions politiques.
 
C’est le SSM (l’équivalent de notre DGA) qui pilote ces coopérations dans le cadre des projets ou des programmes d’armement turcs. Les opportunités pour les industriels français sont quand même très étroitement liées aux relations qu’entretient la DGA avec son homologue turc et l’effet d’entrainement entre la coopération étatique d’une part et la coopération étatique/industrielle, d’autre part quand les donneurs d’ordre turcs s’adressent directement à nous mais le plus souvent par l’ obligation de coopérations avec les industriels turcs. Or dans ce domaine, le ministre de la défense turc est venu lui-même le premier jour du salon délivrer au pavillon France et au GICAT, un message très fort de coopération à court terme sur des projets concrets entre les entreprises françaises et les entreprises turques et ce sans attendre les grands programmes d’armement nationaux qui mettent toujours un certain temps à se lancer et à se mettre en place.
 
Qu’en est-il de coopérations actuelles et futures entre la France et la Turquie ?
Les coopérations, actuellement, et cela a été souligné, portent plutôt sur l’accès, par les industriels turcs, à des technologies qu’ils ne maitrisent pas encore, sur lesquelles ils sont obligés de faire appel à nos compétences. Par exemple, sur le dernier véhicule présenté par FNSS, le KAPLAN-20, ils ont intégré le détecteur de départ de coup de Metravib. Cet après-midi sera signé un accord technique entre Safran et un pôle d’excellence technologique turc dans le domaine des turbines notamment d’hélicoptères. Une synthèse globale des coopérations est difficile à évaluer. Pour l’instant, on est plutôt dans des coopérations d’opportunités où les  Turcs sont à la recherche des pièces manquantes dans le puzzle, en sachant que, dans le discours du président Erdogan,   en inauguration, il avait été dit que son objectif était qu’en 2023, l’industrie turque soit totalement indépendante et capable de proposer l’ensemble des produits du domaine défense sans avoir recours à l’insertion de technologies étrangères. Même si en 10 ans l’industrie du secteur défense terrestre a réussi à produire un char de bataille, il lui manque encore aujourd’hui, par exemple, la capacité d’intégrer dans ce char un moteur d’origine turque. Ils auront donc encore besoin, pendant un certain temps, de faire appel à des technologies étrangères pour compléter le panel de l’assemblage de leur système d’armes complet.
 
Toute coopération passera donc par un transfert de technologies ?
Les industriels français savent que le partenariat passera effectivement par un transfert de technologies. Le cœur du sujet est de savoir ce qu’on peut transférer entre le simple montage/assemblage et la production in situ de certaines technologies sensibles. Les PME/ETI ont parfaitement conscience du danger que représente pour eux l’abandon de leurs savoir-faire et donc le cœur des négociations est de savoir ce qu’on peut conserver en France pour pouvoir survivre demain une fois que la copie aura été faite par les Turcs. Les quelques PME avec lesquelles on a discuté assurent que, même si aujourd’hui ils ont accès à l’enveloppe extérieure du système, pour ce qui est du cœur technologique, pour l’instant, on arrive encore à préserver un certain nombre de savoir faire
 
Le pavillon France a-t-il reçu des délégations officielles turques ou étrangères ? Et qu’en est-il de la délégation officielle française ?
La délégation officielle France est passée le premier jour. Elle était conduite par monsieur Laurent Collet-Billion (le délégué général pour l’armement), accompagné de ses deux sous-directeurs Europe/Amérique du Nord pour l’un (la Turquie faisant partie de l’OTAN) et Europe de l’Est/Amérique du Sud car la Turquie est dans cette zone pour l’autre ainsi que l’officier de zone. De l’ambassade il n’y avait que l’attaché de défense. Ils ont passé la journée entière sur le salon avec des entretiens à très haut niveau avec le sous-secrétaire d’état du SSM, notamment sur le sujet de la défense aérienne élargie.
 
Sur les visites officielles turques, on a eu sur le pavillon le ministre de la défense turque, le général commandant la 1ère armée (secteur d’Istanbul, Bosphore, frontières occidentales de la Turquie) et puis des officiers venant directement voir les exposants sur les besoins spécifiques (NRBC, calculateurs électroniques, optronique etc…). Il y avait la possibilité pour nos exposants d’aller rencontrer les officiers de l’état-major dans leurs bureaux  sur le salon ou sur les stands de l’armée de Terre turque.
 
Concernant les délégations officielles étrangères, il y avait 6 visites programmées par l’organisateur du salon. Malheureusement, un certain nombre d’entre-elles, comme d’habitude, ne se passent pas comme prévu ou sont purement et simplement annulées, mais on a quand même eu ici la délégation avec le chef de l’état-major général et l’adjoint du CEMAT malaisiens. À chaque fois qu’ils sont venus, nous avons essayé de leur faire faire un tour du pavillon pour leur présenter les différentes compétences en fonction de ce qu’ils cherchent. À noter que tous sont très intéressés par l’approche que le GICAT a élaboré à travers des plaquettes destinées à l’export, avec une approche capacitaire (aéromobilité/aérocombat, appui feu, logistique ou simulation), ce qui permet d’avoir une vision globale de ce que fait l’armée de Terre française en termes de concepts d’emploi, de vision future et, en même temps, le panel de toutes les capacités des industriels français qui travaillent dans les secteurs concernés.
 
 
 
(Propos recueillis le 7 mai 2015 par Pierre Brassart)