En attendant CAMO

Telle l’œuvre célèbre de Beckett, le programme CAMO (Capacité Motorisée) belge ressemble de plus en plus à une pièce de théâtre dont l’issue tarde à se préciser. Les rumeurs annonçaient une signature pour Eurosatory, puis pour la Fête nationale belge, mais plus d’un an après l’officialisation d’une déclaration d’intention entre Paris et Bruxelles, le deuxième acte se fait toujours attendre…
 

 
Attente inexpliquée, absence d’« action » et plus de silence que de parole: difficile de ne pas faire le lien entre Beckett et la situation du côté de Bruxelles. La ministre des Armées Florence Parly a quant à elle brisé le mutisme ambiant pour confirmer, le 4 juillet en Commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, que « la signature concernant le programme ‘capacité motorisée’ interviendra en 2018 ». Valorisé à 1,112Md€, ce partenariat impliquant l’achat de 417 Griffon et 60 Jaguar est en effet très attendu par une BITD française dont les exportations ont drastiquement baissé en 2017. CAMO « est un signe fort de la dynamique industrielle qui se développe : c’est un partenariat stratégique unique et durable dans le domaine terrestre, dont la vocation est d’être gagnant-gagnant », a-t-elle rappelé.
 
Un discours certes connu, mais qui a au moins le mérite de contraster avec le silence total remarqué en outre-Quiévrain. Accaparé par les remous autour du dossier de remplacement des F-16 belges (ACCaP), le ministre de la Défense belge Steven Vandeput s’est en effet montré très peu prolixe sur un programme qu’il définit pourtant comme « stratégique ». Les rares interventions officielles sur CAMO, au devant de la commission de la Défense nationale de la Chambre, n’auront concerné que la question du blindage des véhicules envisagés et les compensations économiques. De fait, l’heure de la grogne semble être passée du côté des industriels belges, (cfr notre article de février). CMI Defence, par exemple, est revenu à la table des négociations et exclut désormais toute intégration de ses tourelles sur l’EBRC Jaguar pour se concentrer sur le soutien et la formation, nous expliquait-on durant Eurosatory. L’ambition de la Défense reste en effet « de réaliser un retour de 100 % sur la durée de vie des systèmes d’armes », rappelait Vandeput le 28 février devant la commission de la Défense nationale. Selon le ministre, l’industrie belge devrait notamment espérer des retours dans les domaines de « la maintenance et la fourniture de pièces de rechange ».
 
Loin de se limiter aux débats parlementaires, les atermoiements autour du programme ACCaP, pour lequel la France propose un partenariat stratégique autour du Rafale, ont également des conséquences non négligeables sur le l’avancement du projet CAMO, nous confirmait début juillet un haut gradé de la Composante Terre. Si le travail continue malgré tout au sein de la cellule CAMO, nous explique-t-il, il faudra néanmoins attendre une décision sur le choix ou non d’adopter le Rafale afin d’embrayer ensuite sur le Scorpion belge.
 
Sauf qu’entre les vacances parlementaires jusqu’au 5 septembre, la date limite de légalité des propositions reçues pour le remplacement des F-16 et les prochaines élections communales le 14 octobre, le calendrier s’annonce délicat pour la Défense belge. La fenêtre d’action sera d’autant plus étroite que Steven Vandeput, actuellement conseiller communal de la ville de Hasselt (Limbourg), y mènera la liste N-VA (centre droit) avec l’objectif annoncé de remporter le siège de bourgmestre. En cas de victoire, celui-ci devra donc choisir entre le mayorat et son poste actuel de ministre fédéral, la loi belge interdisant le cumul de ces deux fonctions. Et le scénario n’est pas si improbable au vu des résultats engrangés par la liste N-VA lors des précédentes élections de 2012.
 
Et si le dénouement était ailleurs ? À Marche-en-Famenne (sud de la Belgique), par exemple. La Brigade Médiane, principale bénéficiaire des véhicules Scorpion, y déménagera son état-major en novembre prochain et deviendra simultanément la « Brigade Motorisée ». Un événement majeur pour l’armée belge et généralement accompagné d’annonces, dont la signature officielle de CAMO ?