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Avenir incertain pour les drones ukrainiens

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Drones et robots… voici les vedettes du 14e salon Arms & Security organisé cette semaine à Kiev, en Ukraine. Terrestres ou aériens, micro ou mini, difficiles de passer à côté tant leur présence s’est accrue malgré les nombreux obstacles spécifiques au marché ukrainien. Pourquoi ? FOB vous propose quelques éléments de réponse.

Lorsqu’en 2014 commencèrent les premiers combats dans l’est de l’Ukraine face à des troupes pro-russes non identifiées, il apparu rapidement que les forces ukrainiennes manquaient cruellement de drones de reconnaissance et d’observation d’artillerie. Ne pouvant légalement importer les systèmes étrangers existant, l’environnement de défense ukrainien s’est, tant bien que mal, organisé pour répondre aux besoins urgents des militaires, aboutissant à une dynamique créatrice sans précédent. Mais cette profusion de drones cache une réalité bien douloureuse sur laquelle les sociétés privées ukrainiennes préfèrent rester plutôt discrètes. Autrement dit, « on ne se plaint pas, mais on regrette néanmoins une politique gouvernementale qui favorise ouvertement les acteurs publics », nous révèle Stanislav Punegov, directeur de projet pour CarboLine.

Car les acteurs privés, bien qu’également mus par un élan patriotique, doivent parcourir un véritable chemin de croix avant d’espérer décrocher un contrat étatique. Et l’obstacle premier est forcément financier. Sans subsides étatiques, la conception de ces drones repose non seulement sur l’autofinancement, mais aussi et surtout sur l’émergence d’une génération de jeunes ingénieurs, informaticiens et autres inventeurs qui s’est depuis elle-même rebaptisée « volontaires ». À tel point que ce poste côtoie dorénavant les intitulés fourre-tout du type « directeur des ventes » ou « chef de projet ». « Pour nous, c’est aussi la possibilité d’accomplir un devoir patriotique sans nécessairement s’engager dans l’armée », explique fièrement Andrey Povoroƶnyvk, ingénieur électronicien pour Infocom.

Le Mara-2 de CarboLine, en service dans le Donbass.. mais toujours en attente d'une qualification finale par les militaires ukrainiens
Le Mara-2 de CarboLine, en service dans le Donbass.. mais toujours en attente d’une qualification finale par les militaires ukrainiens

Une fois abouti, tout drone doit ensuite s’attaquer au long – et lent – processus de qualification du ministère de la Défense ukrainien. Et espérer, parfois après des années d’attente, décrocher le précieux sésame qui lui permettra d’être – éventuellement – acheté par le gouvernement ukrainien. Rien d’étonnant, toute nouvelle technologie devant passer une longue batterie de tests avant d’être confiée aux militaires. Le hic, c’est que pour s’attirer les faveurs des soldats et « accélérer » ces démarches, les sociétés privées sont tenues de fournir gratuitement leurs systèmes à des fins d’« essais en conditions de combat », accroissant de facto le risque d’étouffement d’acteurs dont la santé économique est d’emblée précaire.

Il est donc d’autant plus incroyable que certains projets aient gardé la tête hors de l’eau, sans doute inspirés par le succès du plus célèbre d’entre eux : le « People’s Drone » (PD-1) conçu depuis 2015 par UkrSpecSystems. En voilà un qui n’a pas volé son nom, le PD-1 étant le premier drone aérien militaire entièrement soutenu au moyen d’un financement participatif. Grâce aux 27 600US$ récoltés, quelques volontaires ont pu accoucher d’un premier système, livré aux forces armées ukrainiennes en 2016.

Armé d’arguments aussi solides qu’un rayon d’action de 400 km et une autonomie de 10 heures, le PD-1 tente maintenant de s’envoler vers les marchés étrangers, bien que « les appels d’offres auxquels nous répondons sont uniquement civils, car nous ne sommes toujours pas autorisés à exporter du matériel militaire à l’étranger », explique Dmitry Naumenko, directeur des ventes d’UkrSpecSystems. Un nouvel obstacle auxquelles ne font face que les sociétés privées, UkrOboronProm étant l’une des rares entités étatiques légalement autorisées à exporter de l’armement. Résultat : le consortium étatique, qui exporte 80% de sa production, draine l’écrasante majorité des 528MUS$ d’exportations enregistrées en 2016, augmentant au passage de 15% son chiffre d’affaires annuel. Une bonne santé financière exhibée fièrement par le géant UkrOboronProm, et un mirage pour les « petits » du secteur privé.

Paradoxalement, la solution pourrait bientôt provenir de l’État ukrainien, pourtant source du problème. Car après deux décennies de vaches maigres et des dépenses plafonnant difficilement à 1,5% du PIB, le budget militaire ukrainien a graduellement gonflé à partir de 2014 et les premiers combats opposant ses troupes aux forces russes dans l’est du pays. Trois ans plus tard, Kiev alloue désormais 5% de son PIB, soit 5,47Md€ à ses forces armées, et n’est pas prête de faire marche arrière en 2018. Kiev entend centrer ce budget non seulement sur le bien-être des troupes, mais aussi et surtout sur la modernisation d’acteurs clés de son industrie de défense. Reste à savoir lesquels profiteront réellement de la manne financière…

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